LA PREMIERE DRAMATIQUE TELEVISEE :
The Queens' Messenger de J. Hartley Manners,
WGY, 11 septembre 1928.
La préparation de la première dramatique télévisée, The Queen's Messenger (Schenectady, New York, studios de la WGY, mardi 11 septembre 1928).
De gauche à droite : Mortimer Stewart (réalisateur), Maurice Randall (l'officier britannique), Izetta Jewell (l'espionne russe) et Ernest F.W. Alexanderson ("consulting engeneer" à la General Electric et "chief consulting engineer" à la Radio Corporation of America).
(Photo de presse, coll. André Lange)
Extrait de William HAWES, American Television Drama. The Experimental Years,The University of Alabama Press, 1986.
(Traduction André Lange)
"Le 8 mai 1928 Martin P. Rice, responsable de la radiodiffusion à la General Electric Company (Schenectady, New York) annonça qu'un service de programme de télévision serait diffusé de 13 h.30 à 14 h. (EST), cet après-midi même pour le plus grand bénéfice de ceux qui menaient des expériences et des amateurs qui avaient construit des récepteurs de télévision (1).. Sur des écrans de trois pouces sur trois, fournissant une image floue, vacillante et stabilisant ses 41 lignes de manière incertaine, les téléspectateurs pouvaient voir des hommes qui parlaient, riaient et fumaient. Ces transmissions étaient le résultat des expériences du Dr. Ernst F.W. Alexanderson, qui travaillait dans les laboratoires de la General Electric.
Quatre mois plus tard, le 11 septembre 1928, la programmation incluait la première dramatique de télévision (television drama). D'après The New York Times, "pour la première fois dans l'histoire, une représentation dramatique était diffusée simultanément à la radio et à la télévision. La voix et l'action traversait ensemble l'espace en parfaite synchronisation, pour la diffusion de la pièce en acte, d'une durée de quarante minute, de J. Hartley Manners, The Queen's Messenger. Il s'agissait d'un vieux mélodrame d'espionnage, depuis des années une des pièces favorites des acteurs amateurs, qui avait été choisi pour l'expérience parce que sa distribution contenait uniquement deux acteurs, qui intervenaient de manière alternée devant les caméras de télévision" (2).
Manners, qui avait commencé sa carrière sur les planches en 1898, avait également écrit de courtes pièces. A Queen's Messenger avait été interprétée pour la première fois au théâtre dans le cadre d'une matinée de vaudeville, donnée pour une oeuvre de charité au Theatre Royal, Haymarketn à Londres, le 26 juin 1899. Manners avait écrit diverses pièces. Celles qui eurent le plus de succès, Peg o' My Heart (1912) et Happiness (1914), avaient été interprétées par son épouse, Laurette Taylor. Le couple avait fait de nombreux aller-retour entre les Etats-Unis et leur Angleterre natale. Manners mourut le 10 décembre 1928 sans savoir que sa pièce, A Queen's Messenger allait devenir une oeuvre historique.
A Queen's Messenger se déroule dans une maison isolée dans les faubourgs de Berlin. Après un bal masqué, une femme mystérieuse entraîne un officier britannique dans ce qui semble être une intrigue romantique. L'officier est un messager de la Reine et transporte une valise verrouillée, dont la femme découvre qu'il mourrait pour la conserver. Alors que les cigarettes droguées font leur effet, l'espionne russe révèle qu'elle a sauvé l'officier des espions qui l'attendaient à son hôtel. L'officier fait un geste romantique à son égard, qu'elle repousse car elle a appris que son véritable amour se trouve en Angleterre. Revenant de sa stupeur, prisonnier et ayant perdu la valise, l'officier décide de se suicider, mais l'espionne russe change de sentiment à son égard, rapporte les documents et ainsi évite son suicide.
Les spectateurs voyaient des gros plans de face et de profil de l'officier et de l'espionne, et, de temps à autres, des mains masculines et féminines tenant des cigarettes, la valise, des masques, un éventail, des verres et un trousseau de clés. Maurice Randall, un membre de l'équipe d'acteurs de la WGY Studio Players, et Izetta Jewell, une ancienne actrice de théâtre qui vivait à Schenecdaty avec son mari, un professeur de collège, jouaient les deux rôles principaux. William J. Toneski et Joyce Evans Rector fournissaient les mains. Le scénario avait été substantiellement réécrit et était dirigé par Mortimer Stewart, un producteur/réalisateur expérimenté de la station radio WGY.
Dans un studio fermé, Stewart commença les répétitions à partir de quatre heures du matin, vérifiant la synchronisation de la voix et de l'image sur un moniteur spécial, placé face à lui, faisant le passage de caméra à caméra et fondant les images. Les trois caméras statiques étaient focalisées sur Jewell, Randall et les mains. La pièce fut diffusée à 13 h. 30 et rediffusée dans la soirée, à 23 h. 30. Les amateurs de la côte Ouest recevaient le signal en ondes courtes et rapportèrent qu'ils furent heureux de pouvoir conserver l'image plus de trente secondes. Comme si une règle s'était établie d'emblée, les dramatiques suivantes qui furent diffusées par la suite à partir de New York et à l'étranger étaient présentées durant l'après-midi et dans la soirée, et étaient d'habitude rediffusées plusieurs fois.
Bien que la première dramatique télévisée ait entraîné un flux de rhétorique de la part des enthousiastes de la télévision, aucun bouleversement de l'art dramatique ne s'en suivit. The Queen's Messenger annonçait les principales caractéristiques des dramatiques télévisées à venir : adaptations théâtrales modifiées suivant des formats radio, interprétation par des acteurs de théâtre et de radio, diffusion en direct à partir des studios de radio, réalisateurs qui avaient appris le métier dans des productions théâtrales ou radiophoniques. La domination du théâtre et de la radio sur la dramatique télévisée allait durer pendant trois décennies, jusqu'à ce que la dramatique de télévision s'établisse à Los Angeles et se fonde dans les industries du film et de l'enregistrement magnétique."
(1) "WGY Today to Start Television Programs", The New York Times, 11 May 1928, p. 50.
(2) "Play Is Broadcast by Voice and Acting in Radio-Television", The New York Times, 12 September 1928, pp.1 & 10.
Réédition en 1927 de A Queen's Messenger de J. Harley Manners
Nature, 3 November 1928, p. 704
Voir également :
"The Queen's Messenger", The Times, (Shreveport, Louisiana)) 28 september 1928
Le tambour de miroirs à sept faisceaux lumineux de Ernst F.W. Alexanderson (1926)
"The Queen's Messenger", en.wikipedia
"The Queen's Messenger", Early Television Museum
Motion Picture News, 6 October 1928