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Henri Poincaré sceptique quant à la possibilité de la télévision :
"A l'heure actuelle, la science ne nous a pas encore fourni un semblable appareil. Peut-être nous la donnera-t-elle un jour ?".

René de VALCOURT, "La téléphotographie et la télévision",
La Liberté, 2 décembre 1906
 
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Henri Poincaré dans son bureau 

Henri Poincaré (1854-1912) est une des gloires de la science française.  Il a été mathématicien, physicien, ingénieur et philosophe des sciences. Ses biographes mentionnent rarement qu'il a été un des principaux soutiens en France, d'Arthur Korn, une des principales figures de la téléphotographie. 

Poincaré s'est intéressé aux problèmes de communication à distance par l'électricité. Il a été un des premiers scientifiques à prêter attention aux travaux de Heinrich Herz sur les ondes électromagnétiques. Il entretient une correspondance avec son collègue allemand et a publié deux ouvrages sur sa théorie (Les oscillations électriques, 1894 ; La théorie de Maxwell et les oscillations hertziennes,  1899) et a  fait par la suite diverses contributions théoriques sur la T.SF., notamment des conférences en novembre-décembre 1908.

Arthur Korn, quant à kui, a suivi en 1893 les leçons de Poincaré sur la théorie de l’élasticité et les deux mathématiciens sont restés en contact épistolaire, au moins jusqu'en 1911. Lors de son cours en Sorbonne (1906-1907), Poincaré présente ma théorie de Korn sur la gravitation. Et à la mort de Poincaré, Korn publiera un éloge de son maître dans les Sitzungsberichte der Berliner mathematischen Gesellschaft.

Poincaré présente l'appareil de téléphotographie de Korn à l'Académie des sciences (3 décembre 1906).

Alors que la première note de Korn à l'Académie des Sciences sur son appareil de téléphotographie avait été présentée en 1903 par Louis Paul Cailletet, c'est à Poincaré que Korn confie  sa seconde note, "Sur un appareil servant à compenser l'inertie du sélénium", consacrée à son appareil perfectionnéprésentée lors de la séance du 3 décembre 1906.

 

Il ne s'agit pas vraiment d'une révélation, puisque Le Temps, L'Illustration, La Nature ont déjà publié des articles sur le nouvel appareil. Le 24 novembre L'Illustration a publié en couverture la photographie du Konprinz, qui démontre les progrès permis par la "méthode de compensation", le recours à une seconde cellule de sélénium pour pallier à l'inertie du métalloïde.

 

Poincaré lui-même à déjà fait une courte déclaration à un journaliste de L'Eclair et lui a dévoilé la photographie de l'Empereur Guillaume II en tenue de hussard avec chapeau à tête de mort que le journal a publiée le 23 novembre. 

 

 

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La photographie de Guillaume II en hussard, résultat d'une tarnsmission avec le nouveal appreil de téléphotogarphie de Korn, qu'Henri Poincaré à transmise au journal L'Eclair. On notera que la photographie transmise a été rephotographiée pour le journal par Henri Manuel, photographe en vue en cette année 1906, qui vient de tirer la photographie officielle de Georges Clémenceau.

Sur Henri Poincaré, voir notamment :

Sur Henri Poincaré et Heinrich Herz :

  • PESTRE D. et ATTEN M., Heinrich Hertz. L'administration de la preuve, PUF, 2002.

Sur les relations entre Henri Poincaré et Arthur Korn, mathématiciens :

  • KORN A.,  "Henri Poincaré (1854-1912)". Sitzungsberichte der Berliner mathematischen Gesellschaft, 12:3-13, 1912.

  • "Arthur Korn", in WALTER S., BOLMONT E., CORET A. (dir.), La correspondance entre Henri Poincaré et les physiciens, chimistes et ingénieurs, Springer Nature, 2007, pp.203-204.

  • NEFF, P., PAULY, D., WITSCH, K.-J., "Poincare meets Korn via Maxwell: Extending Korn's First Inequality to Incompatible Tensor Fields", 2013.

La visite du journaliste René de Valfort à Poincaré est publiée par La Liberté, quotidien dirigé à l'époque par l'ancien député conservateur Georges Berthoulat, la veille de la pérsentation de la note à l'Académie, ce qui confirme qu'il n'y avait déjà plus de grand secret autour de l'appareil. La présentation à l'Académie ne fait que confirmer un suvccès déjà acquis par l'inventeur dans la presse elle-même.

Dans l'entretien, Poincaré expose le fonctionnement du système de l'appareil, tout en reconnaissant qu'il ne seait pas exactement comment Korn est arrivé à vaincre le fait que le sélénium ne restitue pas l'image dans son intégrité. Il s'agit probablement là d'une pure modestie feinte permettant d'éviter d'entrer dans des considérations techniques trop complexes pour un article de quotidien. Le journal L'Eclair écrira deux jours plus tard, au lendemain de la présentation à l'Académie, "M. Poincaré fut assez embarassé dans son explication".

En conclusion de l'article, Poincaré évoque le rêve de son ancien élève d'arriver à la vision à distance, mais il met en garde contre l'idée que cela pourraiit s'obtenir mécaniquement, car il faudrait arriver à transmettre la photographie en 1/10ème de seconde alors que Korn n'est encore arrivé qu'à des transmissions en 6 minutes (en réalité 12...). Une solution avec 3600 fils ne lui paraît pas réaliste. Le mathématicien est donc sceptique, mais ne désespère pas de la science : "Mais à l'heure actuelle, la science ne nous a pas encore fourni un semblable appareil. Peut-être nous la donnera-t-elle un jour ?". Notons que Korn lui même n'était pas naïf quant à la possibilité de transformer rapidement son apapreil de téléphotographie en appareil de vision à distance.

 

Il est intéressant de constater que  l'expression vision à dustance, que le journaliste met dans la bouche de Poincaré, reste, à l'époque, plus courante que le mot télévision, pourtant proposé six ans plus tôt par Constantin Perskyi au Colloque international des électriciens d'août 1900. Mais c'est bien le mot télévision que le titre de l'article met en avant. Il s'agit probablement de la première occurence dans la presse farnçaise depuis 1900. En janvier 1907, le chroniqueur scientifique Max de Nansouty, dans un article sur l'appareil de Korn publié dans La Nature, utilisera encore le mot téléopte et Express écrira encore le mot avec un tiret télé-vision. Poincaré, malgré son scepticisme, a donc contribué indirectement à l'essor du mot télévision.

André Lange, 16 janvier 2025

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