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LECTURES
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André Bazin et l'humanité de la télévision.
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A propos de :
André BAZIN, Ecrits complets, Edition établie par Hervé Joubert-Laurencin, 2 volumes, Editions Macula, 2018.

“J’entends parfois traiter la télévision avec cette condescendance autoritaire (et au fond méprisante) dont devaient faire preuve les gens distingués formés aux disciplines de la littérature et du théâtre qui découvrirent le cinéma balbutiant vers 1908 et se mirent en devoir de lui apprendre à jouer la tragédie »

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André Bazin, « Le commissaire Belin doit-il faire les pieds au mur ? », Radio-Cinéma-Télévision, janvier 1953

Les Editions Macula viennent de publier les Ecrits complets d’André Bazin, réunis et commentés par Hervé Joubert-Laurencin en deux forts volumes, totalisant 2848 pages en caractères serrés [1]. Pour les cinéphiles et les historiens du cinéma, la publication de cet ouvrage, monumental comme un dictionnaire, constitue un véritable événement, légitimement salué par la presse [2]. Elle permet de disposer pour la première fois de l’ensemble des contributions (articles, livres, textes inédits) d’un auteur, considéré comme le plus classique des critiques de cinéma, qui, mort en 1958 à l’âge de quarante ans, dont l’œuvre, incluant 2681 articles de presse, n’était connue que de manière lacunaire. Beaucoup de lecteurs ne connaissaient Bazin qu’à travers ses livres sur Jean Renoir et sur Orsan Welles ou par l’anthologie Qu’est-ce que le cinéma ?, publiée en 1975 par les Editions du Cerf, version réduite de l’édition en quatre volumes qui avait été publiée entre 1958 et 1961 sous la direction d’Eric Rohmer.

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Disposer de l’ensemble des écrits de Bazin, avec un appareil critique scientifique, va permettre aux historiens et théoriciens du cinéma d’affiner leur connaissance de la pensée du grand critique phare et, espère Hervé Joubert-Laurencin, de la débarrasser des traits caricaturaux qu’elle a pu prendre dès lors qu’elle était limitée par le nombre de textes disponibles.

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André Bazin, pionnier de la critique de télévision, hors Cahiers

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Je voudrais me focaliser ici sur un des aspects souvent oublié du travail critique de Bazin : les articles qu’il a consacrés à la télévision, de juin 1952 à sa mort précoce, en 1958, soit une bonne centaine de textes passant en revue plus de deux cent titres d’émissions ou de programmes.

 

Bazin commence à écrire sur la télévision un peu plus d’un an après le lancement des Cahiers du cinéma (avril 1951). Il n’est pas inutile de rappeler que Les Cahiers du cinéma porteront en sous-titre, jusqu’à leur numéro 48 (juin 1955), « Revue du cinéma et du télécinéma ». Ce sous-titre témoigne de l’ouverture des fondateurs de la revue à la diversité des technologies. Ce qui peut nous apparaître curieux aujourd’hui c’est que cette ouverture porte sur une technique d’enregistrement, le télécinéma, et non sur la télévision comme dispositif d’ensemble. Le chapeau explicatif de l’article « Film, cinéma et télévision » du technicien Fred Orain, dès le n°1, précise : « Cette revue comporte dans son titre le mot « télécinéma » : il s’agit bien là d’un programme : tout film qui enregistre des images par un procédé photochimique nous intéresse, fût-il le film qui sert à la télévision de support et qui joue par rapport à elle – mutatis mutandis – le rôle du disque ou du magnétophone par rapport à la radio ».[3]. Ce programme sera cependant rempli avec un empressement tout relatif. Les articles relatifs au télécinéma et à la télévision dans ces 48 premiers numéros sont peu nombreux, huit au total, dont un seul dû à Bazin, « Contribution à une érotologie de la télévision ».[4] La référence au télécinéma disparaît en juillet 1955, sans explication.

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[1] BAZIN, Ecrits complets, Edition établie par Hervé Joubert-Laurencin,  2 volumes, Editions Macula, 2018. Désignés ici comme EC I et EC II.

 

[2] Signalons, outre les nombreuses recensions élogieuses, qu’à l’occasion de cette publication, la revue Critique a consacré son numéro d’octobre 2018 à André Bazin.

Hervé Joubert-Laurencin présente les Ecrits complets d'André Bazin (Source : La vie des idées)

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[3] ORAIN F., « Film, cinéma et télévision », Cahiers du cinéma, n°1, avril 1951, pp.37-38. Le chapeau est attribué par Antoine de Baecque à Jacques Doniol-Valcrzoe (DE BAEQUE, A., Les Cahiers du Cinéma. Histoire d’une revue, Cahiers du cinéma, Tome 1,  1991, P.64

 

[4] BAZIN A., « Contribution à une érotologie de la télévision », Cahiers du cinéma, n°42, décembre 1954, pp.23-26 et 74-76, repris in EC II, pp. 1603-1606.

 

La plupart des textes des Cahiers relatifs à la télévision sont repris in JOUSSE T. (dir), Le goût de la télévision. Anthologie des Cahiers du Cinéma, Cahiers du Cinéma, 2007. On regrettera que cette anthologie ne reproduise pas le texte de Jean Thévenot, « Sur quelques expériences à la télévision », Cahiers du Cinéma, n.14., juillet-août 1952, pp.39-41 qui fournit de précieuses informations sur les premières expériences menées dès la création de la R.T.F. en 1945.

Les Cahiers du cinéma. Revue du cinéma et du télécinéma, n°1, avril 1951.

Indice de ce peu d’intérêt, la plupart des premiers articles de Bazin sur la télévision ont été écrits non pour les Cahiers mais pour l’hebdomadaire catholique Radio-Cinéma-Télévision (lancé le 22 janvier 1950, devenu, en janvier 1958 Télévision-Radio-Cinéma et en octobre 1960 Télérama).  

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Issu d’une collaboration entre La Vie Catholique et les Editions du Cerf, Radio-Cinéma-Télévision se situait clairement dans l’univers éditorial catholique, sans pour autant se définir comme un organe de propagande religieuse. Selon fondateur Georges Montaron, « Nous voulions réaliser un journal s'adressant au public populaire le plus large afin de l'aider à maîtriser la radio, le cinéma et la télévision, instruments privilégiés de culture pour les masses. Nous voulions aussi un journal chrétien qui ne soit ni un organe de prosélytisme, ni une publication confessionnelle exprimant les positions de l'Église, ni le journal de la cotation morale mais un journal de chrétiens partageant les combats des hommes et choisissant d'abord d'être au service des plus pauvres. Nous voulions sur tous les sujets abordés par la radio, la télévision et le cinéma apporter l'éclairage de l'Évangile. ».

 

La création de Radio-Cinéma-Télévision se situe explicitement dans le moment de grand intérêt pour la télévision manifesté par les milieux catholiques français et dont la diffusion de la Messe de Noël 1948 depuis la Cathédrale de Notre-Dame, à l’initiative du Père Pichard, est l’illustration la plus connue. Mais, comme le remarque Joubert-Laurencin, la participation de Bazin à cette revue ne relève nullement d’un engagement ou d’un militantisme religieux, et la réduction de la figure de Bazin à un humaniste chrétien mû par une spiritualité un peu réactionnaire, avancée contre lui dans les années 60 par certains, est complètement erronée. Bazin est devenu athée, ne pratique pas, ne se marie pas à l’église et les origines théoriques de sa réflexion sur la photographie, le cinéma, la télévision peuvent être trouvées chez des philosophes aussi différents qu’Emmanuel Mounier, Maurice Merleau-Ponty et Jean-Paul Sartre. Mais l’essentiel est que sa pensée devient très rapidement autonome, ne peut dès lors être réduite à une quelconque idéologie ou système philosophique préexistant et doit être perçue dans sa dynamique de développement, ce que vise à illustrer la présentation chronologique de ses écrits.

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A partir de 1955, Bazin publie également des articles sur la télévision dans France-Observateur (devenu Le Nouvel Observateur en novembre 1964), hebdomadaire de la gauche intellectuelle, laïque et anticolonialiste. Conscient qu’il s’adresse à un public plus large, et moins directement intéressé à la télévision que celui de Radio-Cinéma-Télévision, il y présente des articles plus pédagogiques que critiques, visant à convaincre ceux qui ne sont pas encore équipés d’un téléviseur qu’ils perdent la possibilité d’accéder à un phénomène culturel nouveau et intéressant.

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L’avant-dernier des 2681 articles réunis par Hervé Joubert-Laurencin, « Propos sur la télévision » (un entretien de Bazin avec le scénariste Marcel Moussy), paraît, à titre posthume dans le n°90 des Cahiers, en décembre 1958, avec un chapeau qui annonce le décès du critique et proclame « Nous l’aimions et nous l’admirions sans réserve. La blessure que sa mort ouvre au flanc de notre équipe, rien ne pourra la refermer ».

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Ecrire sur la télévision dans les années 50

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Alors que les ouvrages sur l’histoire de la télévision française sont nombreux, les recueils d’articles de critiques sont rares. Pour ce qui concerne les pionniers, n’existaient jusqu’à présent que les recueils des articles de d’Emmanuel Berl (qui couvrent eux les années 1954-1971)[5] et ceux de François Mauriac (qui couvrent les années plus tardives, 1959-1964)[6]. C’est dire combien est précieux l’accès facilité aux articles de Bazin sur la télévision.

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Ecrits dans une période où la télévision était dans sa phase d’expansion – en 1952 on comptait moins de 24 000 téléviseurs installés en France, et, à la mort de Bazin, en 1958, moins d’un million de foyers étaient équipés d’un récepteur -  et où les programmes, à la différence de films, ne pouvaient guère revus après leur première diffusion, ces articles n’ont pas marqué aussi durablement que les textes du critique sur le cinéma. Ils vont même tomber dans l’oubli.  Il est ainsi assez significatif que le nom de Bazin ne soit pas cité, en 1966, par Michel Tardy dans son article « Sur la critique de télévision » première contribution universitaire française sur ce genre d’écrits.[7] Les heureux possesseurs de la réédition des années jaunes des Cahiers du pouvaient avoir lu la « Contribution à une érotologie de la télévision », mais cette analyse de l’acceptabilité familiale de la figure de la speakerine, pour subtile et plaisante qu’elle soit, ne donnait qu’une idée très anecdotique de la contribution de Bazin sur le nouveau medium. Les textes de Bazin sur la télévision ne seront partiellement redécouverts que dans les années 1990 par les historiens de la télévision[8]. Aux alentours de l’année 2000, à l’initiative d’André S. Labarthe et d’Emmanuel Burdeau, les Cahiers du Cinéma envisagent une édition complète des écrits de Bazin, y compris ses écrits sur la télévision, mais ce projet n’aboutit pas.[9] Il fallut attendre la parution, en 2003, d’un article de Gilles Delavaud, dans un ouvrage consacré à la critique de télévision[10], pour que l’on réalise enfin l’ampleur et la pertinence du corpus. Gilles Delavaud, historien des formes télévisuelles et notamment des dramatiques télévisées, a redécouvert les articles de Bazin consacrés à la télévision par une consultation directe de Radio-Cinéma-Télévision et de France-Observateur. En 2012, une partie substantielle de ce corpus est publiée en traduction anglaise, à l’initiative de l’universitaire américain Dudley Andrew, ami et biographe de Bazin.[11]

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L’intérêt de Bazin pour la télévision paraît avoir été précoce. Elle est déjà mentionnée, sans une note tapuscrite retrouvée par Dudley Andrew dans un exemplaire de L’Imaginaire de Jean-Paul Sartre ayant appartenu au critique – un livre que Joubert-Laurencin considère comme une des sources de la pensée bazinienne – et qui peut-être datée de 1944. Cette note, première réflexion sur la photographie et prélude au texte fameux « Ontologie de la photographie », souligne la force émotive de la photographie (et, de même, de l’image cinématographique ou encore de l’image du direct de télévision) provient de l’objet photographié et non de sa représentation. Dès le départ, l’image télévisuelle (et en particulier l’image en direct) est intégrée à la réflexion de Bazin sur la représentation du réel. Dès cette première notation – à supposer qu’elle date de 1944 [12] – Bazin, qui n’a probablement pas encore vu une seule émission, perçoit ce qui va devenir pour lui une des caractéristiques essentielles de la télévision : le direct. Il écrit  « Que maintenant on imagine ce film passant en direct à la TV. Voilà que le documentaire devient contemporain du spectateur, que celui-ci est convié à participer à un événement qui lui est montré par le truchement de la technique cinématographique ».[13]

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La continuité de temps - Le direct, la présence, l’intimité

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Dans son article sur Bazin critique de télévision, Gilles Delavaud a, de manière très pertinente, mis en évidence trois thématiques récurrentes chez notre auteur de la télévision comme possible forme artistique : la télévision comme art du direct, la télévision comme art de la présence et la télévision comme art de l’intimité.

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La mise à disposition des Ecrits complets nous permet de dater avec précision la première chronique de Bazin sur la télévision et de découvrir un article initial que Delavaud n’avait pas repéré. Il s’agit de l’article « Reportages sportifs au journal télévisé » paru dans L’Observateur le 5 juin 1952.[14]   Il est intéressant de noter que la critique du montage – dont on sait qu’il deviendra le sujet d’un des articles les plus célèbres de Bazin, « Montage interdit » [15] - est déjà esquissée. Comparant l’alacrité des journaux télévisés au « pompiérisme ridicule » des actualités cinématographiques, Bazin souligne qu’un des avantages de la télévision est la durée qu’elle peut accorder à un sujet. « Tel match, qui ne dispose que de quarante-cinq ou soixante secondes dans les Actualités françaises, dispose de six ou sept minutes à la télévision. Cette différence est suffisante pour changer du tout au tout le style du reportage : celui du cinéma est fondé sur le montage ; celui de la télévision sur la prise de vue. La caméra 16 mm suit la balle, toutes les passes importantes sont filmées en continuité de temps. Cette continuité de temps, que le montage cinématographique est malheureusement venu détruire au profit de la logique elliptique du récit, retrouve ici sa justification profonde : une passe de rugby n’en est qu’une qu’à condition qu’on suive la balle du regard, du départ à l’arrivée. Une coupe dans le plan, et ce plus que le récit d’une passe. (…) La télévision est actuellement le seul refuge d’une esthétique réaliste du reportage, le seul écran où l’on puisse retrouver l’une des vertus les plus oubliées du cinéma, et en jouir ».

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La valorisation du direct s’inscrit dans le prolongement logique de la valorisation de la « continuité de temps ». Dans son deuxième article, « Un reportage sur l’éternité : la visite au musée Rodin », consacré à un reportage de Stellio Lorenzi, diffusé en direct,  Bazin note qu’il aurait pu être préenregistré. Il souligne, dans une formulation qui fait penser au fameux adage du fleuve d’Héraclite, combien les petites imperfections du direct contribuent à l’efficacité du reportage, qu’une captation soignée au cinéma n’auraient pu rendre : « les travellings cahotants de la caméra Orthicon, les cadrages tâtonnants, l’éclairage simple et brutal des projecteurs, les légères hésitations du montage nous faisaient participer à la création de l’émission. (…)  La télévision fait apparaître une notion nouvelle de présence, pure de tout contenu humain visible et qui ne serait en somme que la présence du spectacle à lui-même. Un travelling de télévision ne passe jamais deux fois par le même endroit. Il n’y a plus de cadrages identiques que de feuilles d’arbres superposables. Aimons l’image que jamais nous ne verrons deux fois ».

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Cette notion de présence interviendra à plusieurs reprises. Ainsi dans « Où en est la télévision ? Le monde chez soi » [16] : « La véritable révolution apportée par la télévision n’est pas tant d’ordre esthétique que psychologique. (…) Ce que le petit écran vient d’abord satisfaire, c’est notre moderne besoin de présence au monde. Le merveilleux technique que constitue le transport instantané des images n’a d’intérêt que par le merveilleux moral qui lui correspond : l’ubiquité à la portée de tous ». Commentant l’intérêt des émissions théâtrales, Bazin a cette formule forte : « Mais la télévision, c’est la présence du théâtre avec l’ubiquité du cinéma ».[17]

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Le thème de l’intimité comme fondement de la télévision apparaît dans un article consacré à une émission de Frédéric Rossif consacrée à l’œuvre cinématographique de Sacha Guitry, dans laquelle le metteur en scène est montré parlant dans son bureau de travail [18]. La force de cette émission, note Bazin, n’est pas due à l’authenticité – le bureau a été reconstitué en studio, avec quelques-unes des pièces originales qu’il contient – ni au direct – l’émission est préenregistrée – mais à cette « intimité ménagée », un des fondements psychologiques de la télévision. Bazin ira même jusqu'à proposer une thèse psycho-sociologique : si les familles aisées s'équipent moins rapidement que celles des classes populaires, c'est que la bourgeoisie tient à protéger son intimité.

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Dans un article consacré à une adaptation de l’Andromaque de Racine par Claude Vermorel, qu’il juge d’une « importance considérable »[19], Bazin écrit : « L’originalité de l’entreprise résidait dans le parti pris d’intimisme de la mise en scène. La télévision en effet place le « téléspectateur » dans des conditions psychologiques très différentes du théâtre et même du cinéma. La vision du spectacle y est privée, personnelle (comme l’audition à la radio). Techniquement, du reste, les plans rapprochés sont sur l’écran de télévision les seuls parfaitement lisibles (…) Vermorel a fait d’Andromaque un récit tragique parlé de bouche à oreille ; du petit écran de la télévision la grille d’un confessionnal ».

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C’est encore l’intimité paradoxale de la réception qui est soulignée à propos du couronnement de la reine Elisabeth : « Or la télévision nous a permis de vivre des heures dans l’intimité d’une reine, je dis bien son intimité, d’abord parce que la télévision divisait le spectacle en millions d’images individuelles, mais surtout parce qu’elle nous en restituait la durée ».[20] Et c’est encore la « nature intimiste du spectacle » que Bazin met en évidence dans son article « Peut-on aimer la télévision » qui ouvre le cycle de ses articles dans France-Observateur, en décembre 1955.[21]

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La fraicheur du regard de Bazin

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Cette mise en évidence du direct, de l’ubiquité comme caractéristiques de la télévision ou du caractère intimiste de la réception, n’est pas complètement originale ni propre à André Bazin. Dès 1878, le Professeur Adriano de Paiva, dans un des tout premiers textes proposant la possibilité de voir à distance par le biais de l’électricité avait imaginé que le télectroscope, couplé au téléphone, donnerait à l’homme le sentiment de l’ubiquité.[22] Paul Valéry en avait retrouvé l’idée un demi-siècle plus tard.[23] Quant à l’importance du direct comme caractéristique de la télévision, elle avait été soulignée, avec moins d’optimisme, par Rudolf Arnheim qui écrivait, dès 1935 “Plus nos possibilités d’expérience directe sont parfaites, plus facilement nous nous laissons prendre à l’illusion dangereuse qui consiste à croire que voir équivaut à connaître et à comprendre[24]. Arnheim envisageait l’intimité de la réception d’une manière beaucoup plus radicale, plus individuelle aussi (alors que Bazin décrit surtout une réception familiale) et envisageait le téléspectateur comme un « ermite pitoyable, reclus dans sa salle de séjour, qui reçoit comme une expérience de sa propre vie une scène qui se passe à des centaines de kilomètres de chez lui ». Le jeune Michelangelo Antonioni, quant à lui, s’était inquiété dès 1940 des conséquences du direct et des incertitudes d’une prise de vue non maîtrisée hypothéquant d’emblée la possibilité pour la télévision de devenir un art [25]. En 1947, Jean Thévenot, dans un article qui est probablement le premier consacré à la télévision par une revue française de cinéma, écrivait « Ce n’est vraiment que par le reportage direct que la télévision touche au miracle ».[26]  Le jeune Umberto Eco devait, en 1956, dans sa première contribution sur la télévision, fournir une réflexion bien plus systématique et structurée sur les structures esthétiques de la prise de vue en direct.[27] Dans la seconde moitié des années 50, l’exaltation du direct devient un poncif de la critique de télévision, qui finira par s’user et à faire place à une demande de création artistique.[28]

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L’optimisme de Bazin par rapport à la télévision qu’il découvre, et ce qu’il y a de vécu dans ses chroniques, tranchent cependant avec ces théorisations précoces. Les articles dans lesquels Bazin parle de la télévision en général sont plutôt rares. Il est probablement significatif que l’un des plus théorisés, « l’un des plus pénétrants » selon Emmanuel Burdeau, « L’avenir esthétique de la télévision. La T.V. est le plus humain des arts mécaniques »[29], paru dans la revue protestante Réforme, ne relève pas de la chronique hebdomadaire. Dans cet article, Bazin avance que « La T.V. n’est pas un art ». Il avait déjà écarté cette possibilité pour la radio, dans un article au titre provocateur :  « Vive la radio, à bas le huitième art »[30]. Pour Bazin, à ce moment de sa réflexion,  radio et télévision sont avant tout des techniques de reproduction et de transmission. L’obstacle majeur est selon lui l’imperfection de l’image, qui condamne la télévision à la simplicité, mais favorise l’intimité et la dimension humaine.

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L’essentiel n’est pas dans la théorie, en tout cas pas dans la théorie dogmatique, a priori, mais dans le plaisir et dans les leçons (les deux ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, au contraire) que l’on peut tirer de l’expérience télévisuelle. Nous ne savons pas vraiment comment on lisait les chroniques télévisuelles de Bazin, mais, quelque soixante et quelles années plus tard, on éprouve à les lire un plaisir similaire à celui de la lecture des journaux et mémoires des grands découvreurs des XVème et XVIème siècles, Livre des millions de Marco Polo ou Peregrinação de Mendes Pinto, ou encore des textes des premiers témoins de projections cinématographiques. Lire les textes qui sont les traces émerveillées des premiers moments est un stimulant décapant de nos perceptions soumises à l’indifférence de l’habitude.

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On  voit éclore dans les comptes rendus des formules d’émissions, dont Bazin analyse les techniques de mise en œuvre,  les qualités et les faiblesses, mais aussi des problématiques éthiques qui perdurent aujourd’hui, même si leurs tensions  se sont  étiolées, tant nous avons été habitués au pire. A plusieurs reprises, on se dit « Tiens, déjà… ». L’accident des 24 heures du Mans, en juin 1955, est l’occasion de poser la question de la déontologie du caméraman et du diffuseur face à une catastrophe humaine ; un débat sur la décolonisation en 1958 fait apparaître les difficultés des échanges courtois d’idées devant la caméra ;  les émissions de variétés présentées par Jean Nohain ou Henri Spade fournissent un point de départ à la généalogie de la vulgarité et de la démagogie des programmes de divertissement ; l’apparition des feuilletons américains tels que Rintintin signale une première  menace d’abrutissement du public.

 

Une ontologie de la télévision ?

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Bazin ne cherche pas à élaborer une ontologie de la télévision, comme il a pu élaborer une ontologie de l’image photographique ou une ontologie du cinéma. L’article « Le commissaire Belin doit-il faire lies pieds au mur ? » (janvier 1953) paraît même marquer une distance même vis-à-vis de positions excessivement doctrinales en matière de cinéma : « Télévision garde-toi à droite ! Télévision garde-toi à gauche ! On commence à entendre dire que « la » télévision c’est ceci ou cela, comme on a entendu dire « Ca c’est du cinéma » ou  « Ca ce n’est pas du cinéma ». J’emploie à dessein le passé car la formule n’est plus guère utilisée, les critiques sont devenus modestes et timides en matière d’esthétique cinématographique, le film s’étant trop souvent moqué de leurs législations et de leurs prophéties ».

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D’une manière générale, l’attitude de Bazin, surtout les premières années, est pleine d’enthousiasme et curiosité vis-à-vis du nouveau médium. Il n’écrit pas comme Emmanuel Berl « A force de répéter qu’elle est un miracle, on oublie qu’elle est un monstre »[31] et à la métaphore de la « machine infernale » utilisée par le premier directeur des programmes, Jean Luc[32], il préfère celle de l’ »œil magique »[33].  Il en pointe évidemment ses faiblesses (la petite taille de l’écran, les incidents techniques, fréquents à l’époque, la pauvreté des moyens,…), mais il est surtout attentif à l’émergence de formes esthétiques nouvelles et à la spécificité de la psychologie de la réception télévisuelle. Il insiste à plusieurs reprises sur la nécessité d’élaborer des critères d’évaluation propres au médium, différents de ceux du cinéma ou du théâtre et sur la nécessité, pour pouvoir émettre un avis pertinent sur la télévision d’en posséder une à domicile et de la regarder régulièrement.   Bazin regarde tout. Programmes sur le cinéma, bien sûr, programmes culturels (il admire particulièrement Lecture pour tous de Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes), journaux télévisés, programmes sportifs, programmes de variétés, jeux, et, dans les dernières années de ses chroniques, ce genre nouveau qui l’intéresse particulièrement, la dramatique télévisée.


Ces articles sur la télévision, peut-être encore plus que ceux sur le cinéma, demandent à être lus dans leur développement chronologique, au risque de tomber dans de nouvelles formes de schématisation. Il est par exemple réducteur d’écrire, comme le fait Emmanuel Burdeau, que « le journal télévisé lui semble médiocre » :  Bazin est, au départ, très admiratif des résultats obtenus par l’équipe de Pierre Sabbagh :  « Nul n’ignore que le journal télévisé est la seule réussite incontestée de la Télévision française. Sa réussite a fait son chemin et elle est méritée » (5 juin 1952), « L’éloge du Journal Télévisé n’est plus à faire » (28 décembre 1952). Ses critiques sur le recours à des séquences de remplissage et à un commentaire en direct sans intérêt sont plus marquées dans un article du 11 octobre 1953, et encore le 5 janvier 1956 dans lequel il regrette le Journal télévisé des « temps héroïques » qui était la meilleure émission, « vivante et intelligente ». Les critiques deviennent surtout virulentes dans ses derniers écrits (21 septembre 1958), qui ne concernent pas uniquement les transformations résultant du retour au pouvoir du Général de Gaulle, même s’l souligne la « mise au pas de l’information » (25 septembre 1958).

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Plus que de juger de la qualité des programmes, Bazin cherche avant tout à comprendre leurs modalités de réalisation et de perception, les raisons de ce qui fait qu’une émission est perçue comme une réussite ou un échec. Lorsqu’il regarde les jeux télévisés, par exemple, c’est moins l’intérêt intellectuel de leur contenu qui l’intéresse que les raisons pour lesquelles il a éprouvé du plaisir à les suivre, intérêt qu’il décrit avant tout comme humain, en ce que les jeux permettent de percevoir la psychologie des candidats. Mais cette attitude bienveillante a des limites : dès le 6 décembre 1956, Bazin publie un article « Télévision : la qualité diminue », constatant que « la Télévision française est en très nette perte de vitesse sur l’année précédente », en raison surtout de l’échec des émissions de variétés. Comme l’a noté Marie-José Mondzain [34], Bazin inaugure ainsi en matière de télévision le discours du type « le niveau baisse », bien connu en ce qui concerne l’Education nationale. A vrai dire, dès décembre 1954, Emmanuel Berl notait « Il me semble même que, depuis la rentrée, les programmes non seulement ne se sont pas améliorés, mais ont légèrement empiré ».[35]

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Curieusement, c’est dans ses textes les plus tardifs que Bazin tend à une approche essentialiste de la télévision. Ce n’est plus le direct, la présence ou l’intimité qui caractériseraient la télévision, mais sa sincérité. Dans un article relatif aux émissions de la campagne du référendum de 1958, Bazin commente l’intérêt de la présentation des points de vue des différents protagonistes, et, sans l’adopter complètement, reprend la thèse du Père Pichard sur le fait que la télévision serait  plus démocratique que le cinéma et la radio : « Le Père Pichard avait jadis soutenu dans les colonnes de ce journal que la T.V. était par essence démocratique et en tout cas contradictoire comme moyen d’expression, avec l’envoûtement du cérémonial fasciste. Hitler était pensable à la radio, au cinéma, sur la place de Nuremberg, mais sa sorcellerie n’eût pas résisté à la propagande intime et directe du petit écran. Je n’oserai montrer tant d’optimisme et je ne suis pas si sûr qu’il n’y ait un mauvais usage possible des pouvoirs de conviction de la T.V. (qu’on songe à la scène du comité d’enquête dans le Roi à New York), mais il est sûr que, sans aller jusqu’à l’extrême de la thèse, la T.V. considérée comme moyen de propagande offre, si j’ose dire, des garanties morales que ne présentent ni la radio ni le cinéma. Pourquoi ? Parce qu’elle est par essence une technique de la sincérité ».[36]

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Bazin explique cette thèse en décrivant le pouvoir révélateur de l’humain, qu’il constate non seulement dans les émissions politiques, mais également dans les entretiens de Lectures pour tous ou les reportages sur le monde paysan dans l’émission D’hier à demainde Roger Louis. C’est encore l’article publié dans Réforme qui formule cette thèse de la manière la plus forte : « On imagine dès lors quel immense et intarissable trésor est offert à la T.V. C’est peut-être sa seule fonction spécifique, sa seule vocation véritablement particulière, mais elle suffit amplement à la justifier. La télévision, c’est d’abord l’intimité quotidienne avec la vie, le monde qui pénètre chaque jour dans notre foyer, non pour violer notre intimité, mais au contraire pour s’y intégrer et l’enrichir. Plus précisément encore, dans la variété infinie de cette révélation, la télévision favorise l’homme. Chaque fois qu’un être humain qui mérite d’être connu entre dans le champ de l’iconoscope, l’image se fait plus dense et quelque chose de cet homme nous est donné. ».[37]

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A partir de cette thèse, Bazin forge, en s’inspirant du terme « photogénie » qu’avait créé Louis Delluc. le mot « télégénie », qui sera appelé à quelque succès jusque dans les années 60,[38]  La capacité de la télévision de révéler l’humain se manifeste dans différents types de programmes : émissions littéraires, reportages, débats politiques mais aussi les jeux, dont le critique cherche à comprendre le plaisir qu’il a de les regarder [39] ou les émissions scientifiques telle qu’une des émissions Science de demain d’Etienne Lalou, consacrée à la bronchoscopie et à la radioscopie, la télévision permettant de "descendre en soi-même".[40]

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Du théâtre télévisé à la dramatique.

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Paradoxalement, c’est dans les émissions consacrées à la fiction (théâtre télévisé dans les premières années, puis créations dramatiques),, que Bazin est le moins enclin à voir, ou à rechercher de manière prolongée, cette révélation de l’humain. Il est intéressant de suivre chronologiquement l’évolution de sa réflexion en ce domaine.

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L’intimité, la présence, ces qualités constatées, en 1953, à propos de la diffusion d’Andromaque ou du programme Place au théâtre de Jean Masson et Jean Antoine ne peuvent suffire longtemps à satisfaire les exigences du critique vis-à-vis du théâtre télévisé. Dès 1954, pour ce type d’émissions, ce sont les critères formels (qualité de la mise en scène, de la prise de vue, de l’interprétation) qui reviennent en force. Analysant le plaisir éprouvé à la vision du Candida de Bernard Shaw, Bazin arrive au constat que la qualité de cette émission s’explique « parce qu’il est extrêmement rare qu’à la télévision on  nous permette de voir une bonne pièce, parfaitement distribuée, jouée par des acteurs donnant l’impression non seulement de savoir parfaitement leur texte mais de posséder à fond leur rôle et le jouant exactement comme ils feraient au théâtre, je veux dire dans une honnête mise en scène ».[41] Considérant que le « théâtre télévisé » a plus de chance de convaincre que le « théâtre filmé », car il peut échapper aux pièges de celui, Bazin affirme néanmoins « Télévisé ou non, le théâtre, c’est d’abord le théâtre, c’est-à-dire une illusion dramatique créée par des acteurs qui « vivent un texte ».

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L’enthousiasme manifesté à l’occasion de la diffusion, en mai 1954, du Sixième étage d’Alfred Gehri, mis en scène pas Marcel Bluwal[42], confirme cette exigence formelle. Celle-ci est satisfaite – et c’est pour Bazin comme une révélation – non pas seulement par la valeur de l’interprétation et le réalisme exceptionnel du décor, mais par l’originalité du dispositif de captation (trois caméras, permettant un aller et retour fluide entre deux appartements et le palier), qui permet une unité d’action et une unité de lieu obtenues avec simplicité et efficacité. Ce n’est plus ici la simple capacité révélatrice de l’humain, propre à la télévision, qui compte, mais, finalement déterminante, l’intelligence de la mise en scène, permise par la technique. Marcel Bluwal a lui-même témoigné que l’article de Bazin lui avait valu la reconnaissance des professionnels du cinéma.[43] Mais ce type de réussite tarde à se reproduire. Il faut attendre décembre 1955 pour voir Bazin célébrer la « bonne surprise » des Causes célèbres de Pierre Dumayet et Claude Barma, série de reconstitutions de procès historiques. L’avantage identifié de la télévision par rapport au cinéma est ici, à nouveau, la possibilité de jouer sur la durée.

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Et ce n’est qu’en mars 1956 que Bazin, à l’occasion de la série d’articles qu’il consacre dans France-Observateur aux différents genres télévisuels, qu’il publie un premier article de bilan aux « émissions dramatiques », incluant dans cette rubrique « non seulement les mises en scène du répertoire théâtral, mais, dans cette acception plus large, toute adaptation d’un récit passant par le truchement de la représentation en direct », qu’il considère comme « le domaine le plus original de la télévision ».[44] Il est intéressant de voir que, dans cet article, Bazin est conscient de l’arrivée prochaine de l’enregistrement magnétique, de l’investissement nouveau d’Hollywood dans la production télévisée et qu’il esquisse une problématique de l’archivage, utile à la fois pour l’histoire de la télévision mais aussi pour son progrès. Ce qui compte, nous dit-il, c’est moins le direct lui-même, dont un différé intelligent peut donner l’illusion, tout en en éliminant les défauts,  que  la qualité de la mise en scène et la qualité, dont le ressort du succès reste la simplicité, obtenue en restant proche de l’esprit du théâtre et non en essayant de faire du « cinéma simplifié ». Dans un article successif, il précise que si le faux direct lui paraît acceptable, l’utilisation dans les dramatiques de séquences préenregistrées, en télécinéma, lui paraît condamnable, en ce qu’elles sont perçues comme « un truquage, une facilité que se donne le réalisateur pour s’évader des conditions du téléthéâtre ».[45] Tout au plus ce procédé peut-il se justifier quand les décors naturels filmés sont en principes contigus au décor transmis en direct ou pour des séquences d’action, passées ou imaginaires. Dans ce cas «le décrochage, si j’ose dire, ontologique entre l’image directe et l’image-image est impliqué dans la nature de l’une et de l’autre ».

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Une nouvelle évolution peut être décelée, fin 1957, lorsque Bazin formule son enthousiasme pour la série d’émission Si c’était vous, issue de la collaboration, suscitée par Jean D’Arcy, directeur des programmes, entre l’écrivain Marcel  Moussy et le réalisateur Marcel Bluwal : « cette réussite prouve qu’il existe un style de télévision qui est d’abord affaire de sujet et de texte avant même que de mise en scène ».[46] A vrai dire, Bazin ne fait guère ici qu’entériner une évolution dont il serait probablement excessif de dire qu’il a été un des premiers promoteurs : l’émergence d’une télévision de création, de sujet et de texte.[47]. Nous avons vu qu’en 1955, Bazin doutait encore, comme il avait pu le faire de la radio, que la télévision pouvait réellement être un art. Son intérêt résidait ailleurs, dans l’originalité perceptive qu’elle offrait. Bazin semble avoir saisi plus tard que d’autres en France, que Jean D’Arcy notamment, que la télévision pouvait être aussi la source d’œuvres de création. Cette approche était née aux Etats-Unis dès le début des années 50, avec les anthologies telles que The Philco Television Playhouse, permettant l’émergence d’une première génération de scénaristes de télévision. Cette évolution ne fut guère perçue en France qu’à partir de mai 1955, lorsque le film Marty de Delbert Mann, adaptation cinématographique d’une dramatique de télévision de Paddy Chayefsky, obtint la Palme d’Or au Festival de Cannes. La Grande-Bretagne, avec l’anthologie Armchair Theatre, créée en 1956 par la chaîne privée ATV et la RAI, dès 1954, avec ses sceneggiati, ont pris conscience de manière plus rapide que la RTF de cette possibilité de la télévision de s’affirmer comme centre de création dramatique. Le 11 mai 1956, Gian-Franco Zaffrani, Secrétaire général de la RAI et fondateur du Prix Italia donne à Paris une conférence « L’œuvre originale à la radio et à la télévision » à l’invitation du Centre d’Etudes de la Radiodiffusion française[48]. C’est à l’occasion d’une mission en Angleterre en 1956 que Jean d’Arcy formule le projet d’une série de « dramatiques d’actualités » et invite l’écrivain Marcel Moussy à rencontrer Marcel Bluwal. Bazin, dans ses chroniques, n’évoque vraiment la création télévisuelle qu’à partir d’août 1957, dans un compte-rendu de deux livres sur la télévision, TV de Jean Quéval et Jean Thévenot et Regards neufs sur la télévision d’Etienne Lalou[49].

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Le caractère innovant de la série Si c’était vous est tellement apprécié par Bazin qu’il regrette, en décembre 1957, que le Prix annuel de la télévision ait été décerné par les critiques à Pierre Tchernia plutôt qu’à Moussy et Bluwal, qu’il compare à Paddy Chayefsky et Sidney Lumet. Bazin loue les dialogues de Moussy, « incroyables de mordant et de sincérité quand on pense qu’ils ont été écrits en quelques semaines » et félicite le scénariste « de n’avoir pas fermé sur eux-mêmes des personnages et une histoire qui demeurent transcendants aux problèmes illustrés ». Ces qualités permettent d’intégrer ce type d’œuvres dans sa propre conception de la télévision : « Mais surtout, je pense qu’ils ont réussi parce que la télévision est un moyen d’expression beaucoup plus intime, direct et personnel que le cinéma ».[50] L’enthousiasme de Bazin est confirmé par le fait qu’il interviewe Marcel Moussy pour les Cahiers du Cinéma, ultime contribution sur la télévision dans laquelle il aborde en particulier le rapport entre le recours à des sujets contemporains et la possibilité d’éviter les écueils de la « pièce à thèse », que selon lui l’auteur réussit à éviter grâce à sa valeur dramatique, humaine, psychologique et morale.

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Quelques mois avant sa mort, Bazin confirme son intérêt pour la création télévisée en acceptant de participer au Jury du Festival du Télécinéma « petit festival clandestin quoique officiel» », organisé par l’Eurovision, qui se tient à Cannes en mai 1958, au sein du Festival.  Dans ce jury, il est le seul critique à siéger auprès des professionnels, un auteur (Carlo Rim), un producteur et quatre directeurs de chaînes.[51] C’est pour lui l’occasion de découvrir des programmes américains et des productions d’autres pays européens. Il s’agit ici de programmes enregistrés, non de dramatiques en direct, et principalement de documentaires. Le bilan ne l’enthousiasme guère, seuls deux films de Robert Florey trouvant grâce à ses yeux. Un paragraphe ajouté dans la version italienne de son compte-rendu nous permet de réaliser que Bazin a pris conscience de l’investissement d’Hollywood dans la production pour la télévision, dont le volume dépasse déjà celui de la production pour les salles. Mais il ne diagnostique pas le besoin important de programmes pour les chaînes européennes, où, nous dit-il, une « abondance de production ne se justifierait pas ». Il faut bien, sur ce point, acter une certaine myopie de Bazin : l’élargissement du temps d’antenne et bientôt la création de deuxième et de troisième chaînes vont créer, partout en Europe, un espace de programmation que les distributeurs américains, et dans une moindre mesure britanniques, vont bientôt dominer.

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La télévision ne devrait pas être une déchéance pour les cinéastes

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La réflexion de Bazin sur la création télévisuelle, plutôt que de s’orienter vers ce qu’on n’appelle pas encore industrie des programmes, va plutôt prendre la forme d’une réflexion sur les rapports entre cinéma et télévision.


Dès 1953, Bazin se réjouit de la diffusion de films à la télévision.[52] Trois ans plus tard, il en constate la popularité, mais s’interroge sur les inconvénients : difficultés économiques entre la télévision et les distributeurs, images de moindre qualité, moindre pouvoir d’évasion dans le cas de la réception à domicile : « Le film est un système de rêve, un microcosme imaginaire, dont la force de gravitation, indépendamment encore une fois de la qualité artistique, agit plus puissamment sur les imaginations que les spectacles de pure télévision. Au pouvoir de distraction de la télévision, il ajoute le pouvoir d’évasion du cinéma ! Ce pouvoir est moindre sur le petit écran, mais il est à domicile ! ».[53] La diffusion de films permet surtout de revoir certains films devenus invisibles dans le circuit commercial et constitue ainsi une « cinémathèque involontaire ».

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En ce qui concerne les émissions consacrées au cinéma, il s’y montre favorable à condition qu’elles s’inscrivent dans une perspective pédagogique ou réellement critique[54], qu’elles n’abusent pas du montage d’extraits[55] , qu’elles choisissent des films de bon goût[56] et que le présentateur trouve le ton juste, ce que ne fait pas François Chalais, handicapé par « une certaine raideur, une absence de liant et de chaleur, un certain manque de simplicité ».[57]

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La Palme d’Or attribuée à Marty en 1955 constitue ici aussi le point de départ. Dans ses premiers articles, Bazin juge le « film sympathique », « influencé par le néo-réalisme », « sans écran large, sans couleurs et avec de petits moyens »[58], « mieux qu’estimable et qui emporte finalement l’adhésion »[59], « excellent » sans être un chef d’œuvre, dont il eût été improbable qu’il eût été primé si il n’avait été américain[60]. Il ne dévoile qu’aux seuls lecteurs des Cahiers que c’est une œuvre qui « relève de l’optique et de la thématique de la télévision, et pour cause, puisque c’est une pièce de T .V. qui est à l’origine du film »[61). Et quelques mois plus tard, dans une intéressante confrontation technologique entre nouveaux médias, que souligne Dudrey Andrew dans son recueil de textes, il s’interroge « Le Cinémascope va-t-il assurer le succès du style télévisuel au cinéma ? »[62]. Il souligne le paradoxe que sans la télévision, Marty n’aurait pas été tourné sans Cinémascope, alors que celui-ci a été promu pour répondre à la télévision : « (…) la télévision a habitué la masse du public à supporter des images en noir et blanc, d’une qualité plastique rudimentaire. En sorte que la victoire du Cinémascope est ambiguë et que, du point de vue esthétique, une certaine simplicité de mise en scène qui eût été considérée naguère comme indigente redevient possible au cinéma où le public l’admet si le sujet le justifie ». La télévision permet donc au cinéma de se risquer dans des « petits films », avec des sujets simples dont le sujet fait la valeur, tels que Marty, mais aussi Tant qu’il y aura des hommes ou encore Graine de violence. L’hommage que Jean-Luc Godard rendra aux « petits films » dans Prénom Carmen – une main filmée en contraste avec un écran de télévision en neige – est sans aucun doute aussi un hommage à cet article de Bazin.

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Bazin est attentif aux aspects économiques des relations entre cinéma et télévision, à la collaboration qui se met en place à Hollywood entre producteurs et diffuseurs, aux possibilités technologiques. Il fait ainsi écho aux hypothèses de péage individualisé à la réception qui commencent à être évoqués et qui ne commenceront à prendre forme que trois décennies plus tard avec l’apparition du pay-per-view.[63]. Cet intérêt, ici aussi, doit être contextualisé. Quand Bazin pose la question « Que serait par contre un film retransmis dans les salles, sur grand écran, à partir d’un émetteur central, serait-ce encore du cinéma ou de la T.V. ? »[64], il fait allusion à une hypothèse technique envisagée dès les années 30 et il me paraît bien excessif d’y voir, comme le fait Burdeau, une anticipation de la numérisation des salles et du débat sur l’entrée de nouveaux acteurs comme Netflix sur le marché de la production et de la diffusion des films. Bazin ne jouait pas à Robida.

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Le cœur de sa réflexion, jusqu’à la fin de sa vie, sera plutôt celui de la participation des réalisateurs de cinéma à la création télévisuelle. Une étude de Robert Florey, publiée dans les Temps modernes, mentionne les réalisations de Hitchcock, John Ford, Capra, Leo McCarey pour la télévision. Reste à savoir si les réalisateurs français vont faire la même démarche. Rien n’est moins évident et, en juin 1957, Bazin pose la question qui restera dérangeante, en France, pendant des décennies, malgré l’exemple de Marcel L’Herbier, et, bientôt, de Jean Renoir : « La télévision est-elle une déchéance pour les cinéastes ?... ».[65] Il constate la différence de rémunération, en France, entre cinéma et télévision, mais aussi un problème de légitimité, résultant d’un préjugé défavorable dont est entachée la réalisation pour la télévision : « Il se trouverait bien quelque metteur en scène consacré pour s’intéresser à la T.V. s’il n’avait plus ou moins consciemment l’impression de déchoir ou de perdre son temps ». Se basant sur l’expérience américaine, Bazin plaide avec force pour que cette possibilité soit explorée : « La rapidité d’exécution des films de T.V., la petitesse relative de leurs moyens financiers peuvent n’être pas des servitudes négatives. A travers elles, au contraire, le metteur en scène peut paradoxalement retrouver une plus grande liberté de travail et une chaleur d’inspiration que le « vrai cinéma » a bien souvent perdues ».

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Si Bazin n’est pas très enthousiasmé par ce qu’il a pu voir de la série Alfred Hitchcock presents,   il aura par contre la satisfaction, avant de mourir, de voir son analyse confirmée par trois des grands réalisateurs qu’il admire : Orson Welles, Roberto Rossellini et Jean Renoir.

 

Lorsqu’au cours du Festival de Cannes 1958, Bazin et Charles Bitsch ont l’occasion de s’entretenir avec  Welles, leur première question porte sur le  Moby Dick Rehearsed, le téléfilm, inachevé et aujourd’hui considéré comme perdu, que Welles réalisa en 1958 d’après la pièce qu’il avait montée à Londres et à New York trois ans plus tôt. Welles évoque également d’autres projets pour la télévision, un essai documentaire sur Gina Lollobrigida, un essai sur l’eau inspiré de l’affaire Dominici et son Don Quichotte. Interrogé sur le petit écran et la pauvreté de la télévision, Welles défend celle-ci en mettant surtout l’accent sur sa valeur narrative, similaire à celui de la radio, et dont le public est plus attentif qu’au cinéma, « parce qu’il écoute au lieu de regarder », avec cette affirmation paradoxale, qui a dû plaire à Bazin : « La pauvreté de la télévision est une chose merveilleuse ».[66]

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En octobre 1958, Bazin organise une rencontre entre « deux recrues de choix pour la Télévision : Renoir et Rossellini »[67]. L’entretien, publié par France-Observateur est un des articles les plus longs réunis dans les Ecrits complets et pourtant les moins connus. Les deux maîtres commencent à peine leurs travaux pour la télévision : Renoir vient d’achever l’adaptation de l’Histoire du Dr Jekyll et de Mr Hyde, qui sera tourné en janvier 1959, après la mort de Bazin, et ne sera diffusée par la R.T.F. que le 16 novembre 1961, sous le titre Le Testament du Docteur Cordelier.

 

Rossellini a tourné en 1956 pour la R.T.F. Le Psychodrame, un documentaire, récemment retrouvé dans les archives de l’INA [68], sur le psychologue Jacob Levi Moreno, et termine une série de documentaires, coproduite entre la RAI et la R.T.F., L’India vista da Rossellini, qui sera diffusée en 1959 et que Bazin n’aura donc pas non plus l’occasion de voir. Il n’a pas encore entrepris son encyclopédie de portraits historiques dont La prise de pouvoir par Louis XIV est, en France, l’épisode le plus connu, notamment pour avoir déplu au Général de Gaulle.

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Dans l’entretien, les deux réalisateurs expliquent leur démarche en soulignant combien la télévision leur donne un nouvel élan, une nouvelle liberté et remet en question certains tabous du cinéma, dont celui du montage. La télévision permet de nouvelles approches créatives dont les producteurs de cinéma, enfermés dans leur routine commerciale, ne veulent pas entendre parler. Bazin cherche à distinguer les approches des deux réalisateurs («Vous semblez vous tourner tous les deux vers la télévision avec un esprit différent. Vous, Jean Renoir, pour retrouver cet esprit de la commedia dell’arte qui vous a toujours séduit, et vous, Rossellini, pour retourner à vos préoccupations, qui ont fait de vous le promoteur du néo-réalisme italien ».) A cette opposition, Rossellini répond en expliquant son approche de documentariste, mais Renoir tient à souligner la convergence des démarches en expliquant que l’importance de la technique a quasi disparu au cinéma, tandis que la télévision, encore dans une phase expérimentale, permet de « retrouver la simplicité technique des premiers âges. (…) Si nous nous tournons, Roberto et moi-même, vers la télévision, c’est que la télévision est dans un état technique un peu primitif qui redonnera peut-être aux auteurs cet esprit du cinéma à ses débuts alors que toutes les réalisations étaient bonnes ».

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La fin d’une époque

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L'entretien de Bazin avec les deux réalisateurs qu’il a le plus admiré, publié un mois avant sa mort, est comme le point d’orgue non seulement de sa réflexion sur la télévision et sur le cinéma, mais aussi d’une décennie. Les véritables créations à venir, celles de la Nouvelle Vague en matière de cinéma, la création électronique d’un Jean-Christophe Averty ou l’essor de la production télévisuelle anglaise et américaine marqueront plus que le Testament du Docteur Corderlier ou que La Prise de pouvoir par Louis XIV ou même que l’Ecole des Buttes-Chaumont, dont Bazin n’avait perçu que les prémisses.

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La mort de Bazin coïncide aussi avec la fin d’une période de la télévision, que l’historien Jérôme Bourdon désigne comme celle de « l’âge des professionnels ». Peu avant la disparition du critique, une période nettement plus politique, celle du « monopole du Général » commence[69). Si son regard était bien politique, Bazin n’était cependant pas un chroniqueur de la politique de la télévision durant la IVème République. Sans être doctrinale, sa conception de la télévision correspond à un idéal de service public assez répandu dans la première génération des professionnels, ou même chez un T.W. Adorno revenu en Allemagne après son exil américain.  S’il ne plaide pas, bien au contraire, pour une télévision élitiste, il affirme néanmoins une exigence de qualité : la médiocrité, la vulgarité, la démagogie constitueraient les meilleurs arguments pour la remise en question du statut public de la télévision. « La Télévision d’Etat n’a qu’un avantage sérieux sur la T.V. privée, c’est de pouvoir se permettre une certaine indépendance à l’égard du public. Si la démagogie et la complicité devaient en devenir le principe, on ne voit plus ce qui pourrait l’empêcher de passer la main »[70]. Quelques-uns de ses derniers articles permettent de comprendre qu’il a réalisé le contrôle accru que le régime gaulliste allait exercer sur l’information. Il n’est pas sûr cependant qu’il ait imaginé le rejet que cette main-mise allait provoquer dans les années 60.  Léo Ferré, en 1962, en sera un des premiers dénonciateurs dans Les temps difficilesSuite : « Pour faire face à la vérité, J'ai poussé jusqu'à la télé, Où l'on m'a dit "Vous demandez qui ? La vérité ? C'est pas ici ! ».

  

Il est possible que la tournure quasi exclusivement politique qu’allait prendre en France, sous De Gaulle, le discours critique sur la télévision ait contribué à occulter la réflexion de Bazin,  interrogation précoce sur la spécificité du nouveau médium. Le message de Bazin sur la capacité de la télévision à faire percevoir l’humain a-t-il été entendu ? Les penseurs de la télévision, dans les décennies suivante, n’y ont pas fait référence. Celui qui en est le plus immédiat prolongateur (sans probablement l’avoir lu) est peut-être Marshall McLuhan  Dans Pour comprendre les médias (1964), le penseur canadien dissertera lui aussi, mais avec plus de radicalité, sur cette capacité de la télévision de modifier la perception des hommes, en particulier des hommes politiques, soulignant que son côté « cool » favorise John F. Kennedy face à Richard Nixon. Mais McLuhan, avec sa formule  « the medium is the message »  introduit une idée beaucoup plus radicale de déterminisme médiatique, qui sera poussé encore plus loin, jusqu’à l’anti-humanisme, par un Friedrich Kittler. En France, le structuralisme marxiste d’un Louis Althusser, analysant la télévision comme un appareil idéologique d’Etat parmi d’autres, sera lui aussi étranger à la vision humaniste de Bazin. Les thèses de Debord sur la société du spectacle, celles de Baudrillard sur le simulacre ou encore celle d’un Peter Sloterdijck sur la télévision comme grande nivélatrice des valeurs s’inscriront bientôt comme les théories dominantes jetant un large discrédit sur le médium, ce que Bazin avait essayé d’éviter.

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Il serait bien vain d’essayer d’ériger Bazin en théoricien intemporel de la télévision et de prôner un retour fétichiste à sa pensée sur ce medium, comme d’aucuns ont pu le faire en matière de cinéma. Lire ses textes comme des documents d’époque, les confronter à ceux d’autres critiques que les hémérothèques numériques commencent à nous rendre plus facilement accessibles, les confronter aussi, lorsque cela est possible, aux archives télévisuelles disponibles, est par contre une occasion privilégiée de percevoir l’histoire de la télévision autrement que par la mise en scène que celle-ci donne d'elle-même dans une tautologie trop souvent simplificatrice.

 

André Lange

1er juillet 2019.

 

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Couverture du n.299 de Radio Cinéma Télévision, 9 Octobre 1955 avec Ernest Borgnine, acteur principal du film Marty, Palme d'Or au Festival de Cannes 1955, qui fera date dans les relations entre cinéma et télévision.

[5] BERL E., Un téléspectateur engagé - Chroniques 1954-1971, Françoise Bourin, 1993

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[6] MAURIAC  F., On n'est jamais sûr de rien avec la télévision. Chroniques 1959-1964, Bartillat, 2008

 

[7] TARDY  M. « Sur la critique de télévision », Communications, n.7, 1966, pp. 40-51. Voir sur ce site notre bibliographie sur la critique de télévision.

 

[8] Voir en particulier ULMANN-MAURIAT, C., « Le critique de télévision, initiateur et témoin » et UNGARO J., « La fille prodigue ou le cinéma après la télévision », in LEVY, M.F. (dir.), La télévision dans la République. Les années 50, Editions Complexe / IHTP-CNRS, 1999.

 

[9] BURDEAU, E., « Eternité et reportage. André Bazin devant la télévision », Critique, octobre 2018, pp. 848-859.

 

[10] DELAVAUD G., « André Bazin, critique de télévision », in BOURDON J. et FRODON, J.M. (dir.), L’œil critique. Le journaliste critique de télévision, INA-De Boeck, 2003, pp.47-56.

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Bazin New Media.jpg

[11] BAZIN A., André Bazin’s New Media, edited and translated by Dudley Andrew, University of California Press, 2014

 

[12] L’argument principal en faveur de la datation de ce document est évidemment le fait qu’on peut la lire comme une esquisse du texte célèbre « Ontologie de l’image photographique », paru initialement en 1945 et qui aurait du paraître en 1944 (EC I, p.111), mais le recours à l’abréviation T.V. pour télévision, en français, en 1944, nous paraît très précoce. Dans les articles de Bazin, elle n’apparaît qu’en 1953.

 

[13] BAZIN, A., "Tapuscrit, sans titre", datable 1944 in EC II, p.2534.

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[14] Burdeau, art.cit., considère à tort l’article « Rira bien » (Radio-Cinéma-Télévision, 28 octobre 1951) comme le premier  article de Bazin sur la télévision, mais celui-ci concerne en fait le programme radiophonique « C’est pour rire ». A l’inverse, Delavaud considère « Un reportage sur l’éternité : la visite au musée Rodin » (Radio-Télévision-Cinéma, 16 novembre 1952) comme le premier article.

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[15] “Le réel et l’imaginaire. Crin Blanc », Cahiers du cinéma n°25, juillet 1953 (EC I, pp.1209-1211) ; « Montage interdit », Cahiers du cinéma, n°65, décembre 1956 (EC II, pp.2064-2066).

[16] BAZIN, A., « Où en est la télévision ? Le monde chez soi », France-Observateur, n°295, 5 janvier 1956, in EC II, pp.1871-1873

 

[17] BAZIN, A., « Place au théâtre, surtout quand il convient admirablement à la télévision », Radio-Cinéma-Télévision, n°199, 8 novembre 1953, EC I,  p.1279.

 

[18] BAZIN, A., “Sacha Guitry a fait confiance à la télévision comme il avait fait confiance au cinéma en 1914!”, Radio-Cinéma-Télévision, N°156, 11 janvier 1953 (EC I, pp.1090-1091).

 

[19] BAZIN, A., “Andromaque à la télévision”, L’Observateur, n°147, 5 mars 1953 (EC I, p.1131)

[20] BAZIN, A., “Contribution à une érotologie de la télévision”, art.cit.

 

[21] BAZIN A., “Peut-on aimer la télévision ?”, France-Observateur, n°290, 1er décembre 1955. (EC II, pp. 1849-1851)

 

[22] DE PAIVA, A., "A telefonia, a telegraphia e a telescopia", in O Instituto - revista científica e literária, XXV ano, Segunda Serie, Julho de 1877 a Junho de 1878, nº 9, pp. 414-421, Coimbra, Imprensa da Universidade, Março de 1878. Traduction en français dans DE PAIVA A., La télescopie électrique basée sur l’emploi du sélénium, Porto, 1880.

 

[23] VALERY, P., "La conquête de l'ubiquité", in De la musique avant toute chose, Editions du Tambourinaire, Paris, 1928. Reproduit in Oeuvres, vol.II, Coll. "La Pléiade", Gallimard, Paris, 1960, pp.1284-1287.

 

[24] ARNHEIM, R., “ Prospectives pour la télévision ”, in Interciné, revue de l’Institut international pour le cinéma éducatif, Société des Nations, Rome., 1935 ; repris  in Le  cinéma est un art, L’Arche, 1989, pp.195-205.

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[25]  ANTONIONI, M. " Allarmi inutili " in Cinema, n.91, 1940. Repris dans ANTONIONI, M., Sul cinema, a cura di Carlo di Carlo e Giorgio Tinazzi, Marsilio Editore, 2004.

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[26] THEVENOT J., “Problèmes de la télévision”, La Revue du cinéma, n°8, automne 1947, pp.59-70.

 

[27] ECO, U., “Problemi estetici del fatto televisivo”, Atti del III Congresso internazionale di estetica, Edizioni della Rivista di estetica, 1956 ; repris sous le titre “Il caso e l’intreccio. L’esperienza televisiva e l’estetica”, in Opera aperta, Bompiani, 1962 ; “Le hasard et l’intrigue (L’expérience télévisuelle et l’esthétique”, in L’oeuvre ouverte, Editions du Seuil, 1965. Repris in Sulla televisione: Scritti 1956 – 2015, La Nave di Teseo Editore, 2018

 

[28] BOURDON J., « La critique impossible ? Positions du journalisme de télévision en France », in BOURDON J. et FRODON J.M., op.cit., pp.30-31.

 

[29] BAZIN, A.,  « L’avenir esthétique de la télévision. La T.V. est le plus humain des arts mécaniques », Réforme, n°548, septembre 1955, EC, II, pp.1809-1811

 

[30] BAZIN A., « Vive la radio, à bas le huitième art. Le cinéma, la radio et le péché d’angélisme. Paradoxe d’un cinéaste sur la radio », Radio-Cinéma-Télévision, n°58, 25 février 1951 (EC I, pp.691-692).

Rediffusion des images tragiques du terrible accident des 24 heures du Mans 1955, qui causa la mort de 82 personnes., ORTF 10 mai 1970.  Source : INA

[31] BERL E, « La télévision n’est pas une radio illustrée », La Nouvelle Revue française, juin 1954, repris in Un téléspectateur engagé, op.cit., pp.15-19.

 

[32] LUC J., « La télévision, machine infernale », in « La Radio, cette inconnue », La Nef, n°73/74, février-mars 1951, pp.81-84.

 

[33] BAZIN, A. « Le commissaire Belin doit-il faire les pieds au mur ? », Radio-Cinéma-Télévision, n°155, 4 janvier 1953, EC I, pp. 1087-1988.

Lecture pour tous, 25 novembre 1954.

 

Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes interviewent Monsieur Fricotot, contemporain d'Arthur Rimbaud. Sa femme vient les rejoindre. L'homme ne connaissait pas Rimbaud, ne lui a jamais parlé, ni lu ses livres. Il le voyait passer en cabriolet à cheval. (Source : INA)

Jean-Claude Gudicielli, Les pionniers, 1949-1958. 29 juin 1949 : naissance du premier journal télévisé. Il n'est composé que d'images, sans présentateur. Les pionniers du JT, Pierre SABBAGH, Pierre DUMAYET, Pierre TCHERNIA et Georges DE CAUNES, racontent les débuts de cette grande aventure. Christian BLACHAS évoque l'arrivée des présentateurs, en 1954. Les interviews alternent avec des archives des premiers JT. (Vidéo, 28b décembre 2009 - (Source INA).

[34] MONDZAIN, M.J., « Qu’est-ce que la critique ? », in BOURDON J. et FRODON, J.M., op.cit., pp.17-26.

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[35] BERL A., « Un monde à part », La Nouvelle Revue française, décembre 1954 in Un téléspectateur engagé, op.cit., p.26-28.

"Monsieur Just", 9 février 1955.

 

Cet épisode de la série Hier et demain de Roger Louis suit la journée de travail des habitants d'une exploitation familiale de 8 hectares dans les Landes.  Source : INA Premium

[36] BAZIN, A., « Télévision, sincérité, liberté », Radio-Cinéma-Télévision, n°455, 5 octobre 1958. (EC II, pp.2484-2485).

 

[37] BAZIN A., « L’avenir esthétique de la télévision », art.cit.

 

[38] BAZIN A., « A la recherche de la Télégénie », Radio-Cinéma-Télévision, n°270, 20 mars 1955, EC II, pp. 1669-1670. ; ‘A la recherche de la Télégénie », Radio-Cinéma-Télévision, n°274, 17 avril 1955, EC II, pp. 1688-1689.

 

[39] BAZIN A., « Psychologie du « Gros lot » », Radio-Cinéma-Télévision, n°456, 12 octobre 1958, EC II, pp.2488-2489.

 

[40] BAZIN, A. « Grâce à la T.V. on peut maintenant « descendre en soi-même », Radio-Cinéma-Télévision, n°312, 8 janvier 1956, in EC II, p.1874.

[41] BAZIN A., « Pour bien servir le théâtre, la télévision doit apprendre la modestie », Radio-Cinéma-Télévision, n°211, 31 janvier 1954, EC I, pp ;1327-1328.

 

[42] BAZIN A., « Au Sixième Etage, la télévision n’est ni du théâtre ni du cinéma », Radio-Cinéma-Télévision, n°228, 30 mai 1954, EC II, p.1524

[43] « Marcel Bluwal 1ère partie », Série Télé notre histoire, INA,  24 octobre 1999,

[44] BAZIN A., « Les émissions dramatiques », France-Observateur, n°305, 15 mars 1956, EC II, pp.1924-1925.

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[45] BAZIN A., « La télévision et la relance du cinéma », France-Observateur, n°311, 26 avril 1956, EC, II, pp.1948-1950.

 

[46] BAZIN A., « Titres de qualité, réussites rares », Radio-Cinéma-Télévision, n°415, décembre 1957, EC II, p. 2331.

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Si c'était vous, série d'émission de Marcel Moussy et Marcel Bluwal. Source : INA

[47] Sur cette émergence, voir en particulier DELAVAUD G., « Un art de la réalité. Les premières fictions de « tété-vérité » ou la télévision par excellence, in DELAVAUD G. (dir.), Télévision. La part de l’art,  MEI, n°16, 2002, pp.75-94.

 

[48] ZAFFRANI G.-F., « L’œuvre originale à la radio et à la télévision », Cahiers d’études de radio-télévision, P.U.F., n°11, 1956, pp.160-175.

 

[49] BAZIN A., « Regards sur la télévision », France Observateur, n°381, 29 août 1957.

Marty, de Delbert Mann sur un scénario de Paddy Chayefsky, Palme d'Or au Festival de Cannes 1955.

[50] BAZIN A., “Verdict critiquable…des critiques de T.V.”, France-Observateur, n°398, 26 décembre 1957, in EC II, p ;2329.

 

[51) BAZIN, A., « Festival du Télécinéma », France-Observateur n°421, 29 mai 1958, EC II, pp. 2409-2410.

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The Ruth Owens Story, un téléfilm de Robert Florey (1958) apprécié par Bazin lors du Festval du Télécinéma, Cannes, 1958.

[52] BAZIN A., « Vous pouvez voir ou revoir La Grande Illusion de Jean Renoir grâce à la TV », Radio-Cinéma-Télévision, n°197, 25 octobre 1953, EC I, pp.1272-1373.

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[53] BAZIN A., « La télévision et la relance du cinéma », France-Observateur, n°311, 26 avril 1956, EC II, pp.1948-1950.

 

[54] BAZIN, A., « Aimez-vous le ciné-club ? On en a mis partout », Radio-Cinéma-Télévision, n°198, 1er novembre 1953, EC I, pp. 1275-1276.

 

[55] BAZIN A.  « A-t-on le droit à la télévision de couper les films en morceaux ? », Radio-Cinéma-Télévision, n°208, 10 janvier 1954, EC I, pp ;1317-1318. Le thème est repris dans « Télévision et cinéma », France-Observateur, n°316, 31 mai 1956, EC II, pp.1967-1968.

 

[56] BAZIN A., « Qu’on nous laisse le cinéma ! », Radio-Cinéma-Télévision, n°233, 4 juillet 1954, EC II, p.1540.

 

[57] BAZIN A., « Cinépanorama », Radio-Cinéma-Télévision, n°322, 18 mars 1956, EC II, p.1926. Sur cette émission, Bazin formule un jugement plus positif dans un autre article, Radio-Cinéma-Télévision, n°338, 8 juillet 1956, EC II, p. ;1990.

 

[58] BAZIN A., « A Cannes, journée consacrée au néo-réalisme franco-américain », Le Parisien libéré, n°3308, 30 avril 1955, EC II, pp.1698-1699.

 

[59] 52 BAZIN A., « Une semaine à Cannes », France-Observateur, n°260, 5 mai 1955, EC II, pp.1709-1711.

 

[60] 53 BAZIN A., « Au VIIIè Festival de Cannes. Un palmarès sans grande surprises », Le Parisien libéré, n°3318, 12 mai 1955, EC II, pp.1715-1716 ; « Le palmarès du festival de Cannes », Radio-Cinéma-Télévision, n°279, 22 mai 1955, EC II, pp.1720-1721.

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[61] BAZIN A., DONIOL-VALCROZE J., CHABROL C., RICHER J.J., « Ephéméride cannois », Cahiers du cinéma, n°48, juin 1955, EC II, pp. 1727-1736.

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[62] BAZIN A., « Le Cinémascope va-t-il assurer le succès du style télévisuel au cinéma ? », Radio-Cinéma-Télévision, n°311, 1er janvier 1956. Voir également « Fin de l’écran, avenir du cinéma ? La révolution par le relief n’a pas eu lieu », Radio-Cinéma-Télévision, n°324, 1er avril 1956, EC II, pp.11934-1936.

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[63] BAZIN A., « La télévision et la relance du cinéma », art.cit.

 

[64] BAZIN A.  « L’avenir esthétique de la télévision », art.cit.

L'hommage de Jean-Luc Godard aux "petits films" dans Prénom Carmen (1983) est aussi, probablement, un hommage à André Bazin.

(65] BAZIN A., « La Télévision est-elle une déchéance pour les cinéastes ?... », Radio-Cinéma-Télévision, n°387, 16 juin 1957.

 

[66] BAZIN A. et BITSCH C., « Entretien avec Orson Welles », Cahiers du Cinéma, n°84, juin 1958, in EC II, pp.2411-2416.

"Lamb to The Slaughter", un des épisodes de la série Alfred Hitchcock presents. (diffusé par CBS le 13 avril 1958).

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Francisco Reiguera dans le Don Quixote inachevé d'Orson Welles

[67] Trois articles sont consacrés à cet entretien : BAZIN, A., « Deux recrues de choix pour la Télévision : Renoir et Rossellini », Le Parisien libéré, n°4388, 21 octobre 1958, EC II, pp.2492-2493 ; « Cinéma et télévision. Un entretien d’André Bazin avec Jean Renoir et Roberto Rossellini », France-Observateur, n°442, 23 octobre 1958, EC II, pp. 2493-2498 ; « Deux grands cinéastes vont faire leurs débuts à la T.V. », Radio-Cinéma-Télévision, n°458, 26 octobre 1958, EC II, pp ;2498-2499.

 

[68] BRICCO P. “Roberto Rossellini a lezione di psicodramma da Jacob Levi Moreno”, Il Sole 24 Ore, 2 maggio 2019, 

Le testament du Docteur Cordelier (1959) de Jean Renoir (extrait).

L'India vista da Roberto Rossellini, 1ere partie (1959)

[69] BOURDON J., Haute fidélité. Pouvoir et télévision 1935-1994, Seuil, 1994, pp.48-49.

 

[70] BAZIN A.," « Télé-Match » sans arbitre", Radio-Cinéma-Télévision, n°281, 5 juin 1955, EC II, p.1741

Conférence de presse du Général de Gaulle à Matignon,  23 octobre 1958, trois semaines avant le décès d'André Bazin. Source : INA

André Bazin

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