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Jacques CAZOTTE (1719-1792), Les prouesses inimitables 
d'Ollivier, marquis d'Edresse
. (v.1763).

Gérard de NERVAL, Les Illuminés, 1852.

 

 

Jacques Cazotte constitue une figure curieuse de l'histoire littéraire française. Il est surtout connu pour son roman,  Le Diable amoureux (1772), considéré comme une oeuvre préfigurant les romans fantastiques de E.T. Hoffmann. Critique sévère de Jean-Jacques Rousseau, membre de la secte illuministe des Elus-Cohens, il verra dans la Révolution française une gigantesque incarnation de Satan. Ses convictions royalistes le rendent suspect au pouvoir révolutionnaire. Il sera guillotiné le 25 septembre 1792. Il sera réhabilité, aux yeux de l'histoire de la littérature, par Gérard de Nerval, qui dans son ouvrage Les Illuminés (1852) loue son sens de l'allégorie et la sincérité de son mysticisme.

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L'oeuvre qui nous intéresse ici est une romance de mode médiéval, Les Prouesses inimitables d'Ollivier, marquis d'Edesse. D'après le biographe anonyme de Cazotte qui préface ses Oeuvres badines et morales, historiques et philosophiques éditées en 1817, les Prouesses, comme d'autres romances écrites à la même époque, auraient été écrites par Cazotte pour endormir le fils du Duc de Bourgogne, dont son épouse, Madame Poissonière, avait la charge.

   

Les Prouesses racontent, à la manière des chansons médiévales,  les mésaventures du page Ollivier, banni par son maître Enguerrand, comte de Tours, dont il a engrossé la vie. Poursuivi par son maître, Ollivier lui sauve la vie à diverses reprises. Il finit par se réfugier au Liban, et désespéré, veut mettre fin à ses jours, lorsqu'il rencontre un ermite qui va lui venir en aide en lui faisant voir au fonds d'un verre d'eau ce qui se passe au château de Tours :

    "Mon fils, dedans ma grotte entrez,
     Je puis vous aider, Dieu merci ;
     En voyant ce que vous verrez,
     Vous serez bientôt éclairci.
     Dans le fonds de ce verre d'eau
     Regardez ce mouvant tableau.
     Commère, il faut chauffer le lit,
     N'entends-tu pas sonner minuit ?

     Dans le château de Tours, voyez
     Après que le Comte est parti,
     La belle-mère sans pitié
     Qui tous ses ordres accomplit;
     On traîne Agnès dans une tour,
     Dans un cachot privé de jour.
     Commère, etc."

     

Il est possible que la vision à travers le fonds de verre d'eau ait été inspirée à Cazotte par l'histoire du tuyau magique des Mille et une Nuits, traduite par Galland en 1717 et dont Cazotte avait imité le genre dans ses premiers écrits (La Patte de chat, 1741 ; Les Mille et une Fadaises, 1742).

    

Commentant cette romance, Gérard de Nerval parle de la vision dans le fonds de verre d'eau comme d'une "sorte de miroir magique". Or Nerval est, par ailleurs, le traducteur en français du Fragment du Faust de Goethe, où l'on trouve bien un "miroir magique" permettant la vision à distance.

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A.L. Décembre 2000

cazotte.jpg

Portrait de Jacques Cazotte par Jean-Baptiste Perronneau.

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