Le modèle à deux disques mobiles de Marcel Brillouin (1891)
Un grand mathématicien et physicien français
Marcel Brillouin (1854-1948) est un des très grands mathématiciens et physiciens fra,çais de la fin du XIXème siècle, qui sera élu élu membre de l'Académie des sciences le 21 novembre 1921.
Ses principaux travaux concernent l'atomisme, la plasticité des solides, l'hydodynamisme, l'irréversibilité, la relativité, la physique du globe. Il fut qualifié par Louis de Broglie de véritable précurseur de la mécanique ondulatoire.
A l'époque où il publie cet article "La photographie des objets à très grande distance par l'intermédiaire du courant électrique" (1891), il est professeur de physique à l'Université de Toulouse, Maître de conférences de physique à l'Ecole normale supérieure et il remplace Eleuthère Mascart à la chaire de physique générale et mathématique du Collège de France.
Marcel Brillouin est le père de Léon Brillouin (1889-1969), également physicien, qui collabora avec le Général Ferrié au Laboratoire central de Radiotélégraphie militaire et qui fut notamment Directeur de la Radioffusion nationale de de juillet 1939 à janvier 1941.
Un article théorique important
L'article "La photographie des objets à très grande distance par l'intermédiaire du courant électrique" que Marcel Brillouin publien en 1891 dans la Revue générale des sciences pures et appliquées est probablement une contribution mineure dans l'oeuvre du savant, comme une sorte d'exercice "en passant". Publiée dans une revue théorique et ardue, l'article n'a eu pratiquement aucun écho dans la grande presse et a fait l'objet de peu de commentaires dans le monde scientifique. Il constitue cependant une étape imortante, et plutôt pessimiste, dans la réflexion théorique sur la possibilité ou l'impossibilité de diffuser des images.
Son article est une réponse aux propositions de Nipkow, Sutton et à l'article de Lazare Weiller "De la vision à distance par l'électricité" paru deux ans plus tôt et qu'avait synthétisé . Dans la Notice (p.42) sur ses publications scientifiques, publiées en 1904, il le résume ainsi
"Je substitue au problème de la vision à distance le problème abordable de la photographie à très grande distance, et je décris un mécanisme entièrement réalisable permettant de transmettre par le courant électrique des images modelées, grâce à une disposition particulière du récepteur.".
L'originalité de la proposition théorique de Brillouin, selon Russell Burns, une des premières à contenir une analyse élémentaire de la relation entre la définition de l’image et la vitesse correspondante de la signalisation. "En effectuant son analyse, Brillouin partait du principe que l’image transmise devait être vue à une distance de 30 à 40 cm et que la largeur de chaque ligne de balayage ne devait pas dépasser un vingtième de millimètre. Il en déduisit alors correctement qu’une image de 4 cm x 4 cm nécessitait 640 000 points pour la définir, qui devaient tous être illuminés en un dixième de seconde. Par conséquent, l’appareil de transmission devait réagir aux changements en moins de 1/5 000 000 de seconde, en chiffres ronds, nota Brillouin. C’était trop petit pour Brillouin, et il modifia donc son objectif. Il s'est ensuite intéressé au problème de l'envoi d'images photographiques à distance au moyen de courants électriques : il s'agissait bien entendu du domaine de la télégraphie photographique plutôt que de la télévision. Son article est important car il donne une vision contemporaine des limites de plusieurs notions antérieures".
Selon Brillouin, le téléphone à gaz de Weiller ne peut éclairer suffisamment fort, de plus il ne peut garantir que l’éclairement de l’objet et de la flamme soient proportionnés ; il est insensible et difficile à régler en raison de la faible amplitude de la membrane vibrante.
A propos du téléphone à membrane polie proposé parr Nipkow, il écrit : « il paraît hautement douteux que la membrane reste suffisamment plane en équilibre pour ne pas être constamment désalignée ; de plus, les changements de courbure produits par le passage du courant n’entraînent que des variations d’éclairement entre une valeur maximale et un minimum supérieur à zéro ; l’image sera toujours saturée de lumière ».
La proposition pratique est d'utiliser pour analyser l'image deux disques à lentilles tournant à des vitesses différentes. Il s’agissait d’un système conçu pour disséquer et scanner une image. De manière plus classique Brillouin proposait l’utilisation d’une cellule au sélénium pour traduire la lumière en courants électriques. Au niveau du récepteur, un ensemble similaire de disques à lentilles devait utiliser un «galvanomètre à miroir » comme valve de lumière. Le galvanomètre à miroir était un miroir vertical étroit en forme de coin qui était déplacé par la bobine et s'ouvrait et se fermait en réponse au signal transmis, modulant ainsi la source lumineuse. "Tout dans cet appareil me parait immédiatement réalisable pour un constructeur déjà expérimenté el soigneux" affirme avec optimisme le théroricien.
L'article de Brillouin n'a eu que peu d'échos immédiats (Niewengloswki, 1891, Blondin, 1893). Ces commentateurs sont d'accord pour estimer que le système est trop complexe et délicat.
"Tous les organes du système proposé par M. Brillouin paraissent d'une construction possible, quoique délicate, écrira J.Blondin. Le plus difficile serait, sans doute, d'assurer le synchronisme des mouvements des disques à lentilles. Mais ces mouvements n'ayant pas besoin d'être plus rapides que ceux des organes des télégraphes autographiques, on ne saurait rencontrer de difficultés insurmontables pour arriver au synchronisme. Toutefois, aucun constructeur n'a encore tenté de réaliser le système de M. Brillouin, bien que celui-ci pense avec raison que son système est un intermédiaire nécessaire pour arriver à la vision directe des images."
Le physicien Quinto Majorana (1894) trouvera quant à lui le système proposé trop compliqué, mais retiendra l'hypothèse de l'analyse par le couple de disque mobile. On retrouvera celle-ci dans les propositions de Benedict Schöffler (1898), Alexander Polumordvinov (1899), mais celles-ci resteront également théoriques.
Marcel Brillouin
Bibliographie
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Marcel BRILLOUIN, "La photographie des objets à très grande distance par l'intermédiaire du courant électrique", Revue générale des sciences pures et appliquées,3 0 janvier 1891, pp. 33-38
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NIEWENGLOWSKI Gaston-Henri, "La téléphotographie ou photographie à distance", Photo-Journal, 1891, pp.202-205
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BLONDIN, J. "La vision et la photographie des objets à très grandes distances", L'Electricité, 25 mai 1893, pp.241-243. Suite et fin, L'Electricité, 1er juin 1893.pp.257-259.
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Quirino MAIORANA, "Il problema della visione a distanza per mezzo dell'eletricità (Telefoto)", Elettricista, 3, 1894.
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Notice sur les travaux scientifiques de M. Marcel Brillouin, Gauthier-Villars, 1904
Schéma de Majorana (1894)
Maquette de l'appareil de Polumordvinov (1899)
Projet d'appareil de Schöffler (1898)
Scgéma de Brillouin (1891)
Marcel BRILLOUIN
"La photographie des objets à très grande distance par l'intermédiaire du courant électrique"
Revue générale des sciences pures et appliquées,
30 janvier 1891
A.L. 2 août 2024