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La première transmisssion d'une image numérisée, par la méthode "map-flapping" en 1886

 

Introduction

 

Nous proposons ici une traduction commentée d'un texte qui est une des premières contributions sur ce qu'Arthur Korn appelait la "méthode statistique" de transmission des images, qui est en fait, une première forme, certes encore très sommaire, de transmission numérique. 

La contribution a été faite par le Lieutenant Alexander Glenn le 15 janvier 1886 dans les locaux de la Royal Service United Institution, un think tank britannique spécialisé dans la défense et la sécurité qu'avait crée le Général Wellington en 1831, devenu en 2004 le Royal United Services Institute for Defence and Security Studies.

 

Elle a fait l'objet d'une publication peu de temps après dans le Journal de cette institution ! "Transmission of Drawings by Signals", Journal of the Royal United Service Institution, v.30(1886), pp. 77-90

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Daily News, 15 January 1886

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Le siège de la Royal United Service Institution à Whitehall Yard

La présentation de Glen est faite dans le cadre d'un séminaire présidé par le Colonel G.H. Moncrieff, Commanding Scots Guards. Participe également à ce séminaire le Lieutenant Colonel Melville qui a obtenu un brevet pour un appareil recourant à une approche similaire à celle proposée par Glen. On peut supposer que le Lieutenant H.G. Willink, avec lequel Glen a collaboré dans ses expériences, était également présent. La séance était publique (elle a été annoncée dans le Daily News) et, selon le Morning Post du lendemain, a été largement suivie.

Le lieutenant Glen appartient de ce régiment "Inns of Court" remonte à 1859, peu après la Crimée, avec la formation du 23rd Middlesex (Inns of Court) Rifle Volunteer Corps. En 1881, l'unité est devenue un bataillon de la Rifle Brigade et a été rebaptisée 14th Middlesex (Inns of Court) Rifle Volunteer Corps. 

Sa présentation propose une méthode originale et élaborée de transmission de dessins, cartes et même de photographies en procédant par une mise au carreau puis à une codification des éléments en vue de leur transmission par "télégraphe, héliographe, lampe, drapeau ou autre mode de signalisation," Les applications auxquelles Glen pense sont bien évidemment militaires, mais il cite également, comme le feront plus tard Hummel et Korn, les possibilités d'identification des voleurs. Il s'agit de la première théorisation et de la première expérimentation d'une transmission d'images numérisées. 

Les suites de la conférence

Après la présentation de Glen, le Colnel Melville est intervenu pour présenter son appareil. Un M. H.L. Pilkington est intervenu pour dire tout le profit que l'armée pourrait tirer d'une telle méthode et le président, le Colonel Moncrief, en remerciant les intervenants, a fait des suggestions confirmant l'intérêt qu'il avait porté à la proposition.

Quelques journaux et plusieurs magzines ont rendu compte de la conférence. Après la publication de l'article dans le Journal of the Royal United Service Institution, H.G. Willink qui a travaillé avec Glen, a lui-même publié deux articles dans le Longman's Magazine qui contiennent des détails méthodologiques complémentaires, des explications sur les "portraits ombrés", des illustrations (dont le portrait du Colonel J.R. Bulwer, premier portrait  à avoir été transmis de manière numérique, (2)

Il ne semble pas cependant que la méthode Glen ait été largement adoptée par l'Armée britannique. Mais la proposition de Glen, et celle du Colonel Melville, ont été signalées jusqu'à la fin du XIXème siècle. (Voir ci-dessous).

 

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Le Colonel George Hay Moncrieff VD

(2) Lieut. H.G. WILLINK “Map-flapping”, Longman’s Magazine, February 1886, pp. 404-421 ; March  1886,  pp.558-560

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(1) Une proposition avait déjà été formulée par un français, Gras, qui aurait publié une brochure en 1879, mais dont nulle trace ne figure dans les bibliothèques. Elle est citée in Revue internationale de l'Electricité et de ses applications, 10, p.256, 1890.

Le portrait du Colonel J.R. Bulwer, le premier dans l'Histoire  à avoir fait l'objet d'une transmission numérique (par drapeau) dans l'histoire (voir ci-dessous)

Paru in Lieut. H.G. WILLINK “Map-flapping”, Longman’s Magazine, February 1886, pp. 404-421 ;

LA TRANSMISSION DE DESSINS PAR SIGNAL.

Par Alex. Glen, Lieutenant 14th Middlesex (Inns of Court) R. V.

Traduction de "Transmission of Drawings by Signals",  Journal of the Royal United Service Institution,,v.30(1886), pp. 77-90

 

Dans cet article, je propose d'expliquer un système que j'ai conçu et élaboré en collaboration avec mon frère Officier, M. Willink, et avec l'aide des signaleurs de notre corps, les Inns of Court Volunteers. L'objet du système est qu'une personne qui a les moyens de communiquer avec une autre par télégraphe, héliographe, lampe, drapeau ou autre mode de signalisation, peut permettre au destinataire des signaux de faire un fac-similé de tout dessin qui peut être entre les mains de l'expéditeur. Le dessin peut être de toute nature, depuis une esquisse ou un plan jusqu'à une ressemblance photographique ou une chromolithographie. L'exactitude avec laquelle le dessin est transmis peut être augmentée dans toute la mesure que l'expéditeur peut juger appropriée ; tandis que l'échelle sur laquelle le fac-similé est dessiné est à la discrétion du destinataire.

La question importante, cependant, est l'application pratique et l'utilité du système. Sur cette question, en tant que volontaire, je ne peux offrir que quelques suggestions grossières, et la laisser être discutée, comme je l'espère, par ceux qui ont l'expérience des exigences du Service.

 

Lorsque j'étudiais à l'école d'instruction de la signalisation de l'armée à la caserne Wellington en 1883, l'officier des transmissions du district, le lieutenant-colonel Bonham, a fait remarquer que la signalisation de l'armée en était à ses balbutiements et qu'il pensait que c'était un sujet dans lequel les volontaires auraient l'occasion de faire du service à l'armée régulière. C'est, je pense, en grande partie à cause de cette remarque que j'ai-je puis lire ce mémoire aujourd'hui.

L'idée de transmettre un dessin par les méthodes de signalisation de l'armée est née dans mon cas d'un petit projet que j'ai réalisé lors de la marche vers Portsmouth pour l'Easter Review de 1884. Le matin du Vendredi Saint, il devait y avoir quelques petites manœuvres. à propos de la poursuite d'un convoi qui devait partir de Petersfield vers le sud. J'étais en charge des signaleurs Inns of Court, et quittant Petersfield de bonne heure avec un groupe de signalisation, nous avons pris une station sur Butzer Hill, dans le but de signaler les mouvements du convoi à l'autre partie, qui était stationné à Petersfield. J'avais laissé aux collègues de Petersfield  un certain nombre de petits tracés de la carte des munitions du quartier, avec des instructions pour marquer les points mentionnés dans tout message reçu de moi sur l'un des tracés, et pour épingler le tracé sur le formulaire de message.

Le Colonel G.H. Moncrieff

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"Héliographe anglais" in Louis Figuier, Les merveilles de la science. Supplément, p.503  L'héliographe est un dispositif de communication sans fil dont le signal est constitué de flashs de lumière solaire réfléchie par un miroir et recourant le plus souvent au code Morse. L'armée anglaise disposait d'un modèle portatif pesant moins d'un kilogramme/

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Wellington Barracks

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Petersfield sur une carte de l'Ordnance Survey (1877)

Cela fut exécuté, mais j'eus bientôt de la difficulté à exprimer brièvement, et en même temps avec précision, les positions exactes du convoi et de son escorte, en me référant à la carte de l'Ordnance que j'avais avec moi. Il est venu à l'esprit de plusieurs d'entre nous indépendamment que le moyen le plus simple de surmonter cette difficulté serait de tracer des lignes verticales et horizontales dans des positions correspondantes sur la carte et les tracés, et de mettre des lettres dans les espaces entre elles. Les positions des marques de tir sur les cibles dans un match de fusil anglo-américain (Anglo-American rifle match) tiré à Wimbledon avaient déjà été transmises par câble à travers l'Atlantique d'une manière quelque peu similaire, sauf que, je crois, des mots courts ont été utilisés pour indiquer les différents espaces dans lesquels les diagrammes des cibles ont été divisés, au lieu de simples lettres. De la signalisation de points uniques à marquer sur une carte existante ou une copie, il n'y avait qu'une étape courte et presque évidente pour se passer de copies de la carte originale et pour transmettre la position des routes, des clôtures, des maisons, etc., en plus d'autres information. Ce n'est cependant qu'après d'innombrables expériences et essais pratiques, pendant la dernière partie de 1884 et le début de 1885, qu'une série de règles a été formulée, par laquelle non seulement des croquis militaires mais des ressemblances reconnaissables ont été signalés.

Les Wimbledon Rifle Meeting était un concours de tir qui remonte à 1860. L'événement a eu d'emblée une dimension internationale. Le premier Anglo-American Rifle a été organisé en 1880, mais nous n'avons pu trouver trace de cette transmission transatlantique des résultats par câble mais une gravure de 1880 atteste que la compétition était suivie par des journalistes, qui transmettaient les résultats par télégraphe.

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"The final struggle for the tyelegraph"

Wimbledon Rifle Match (1880)

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Avant de conclure cet article, je me référerai à certains des dessins auxquels le système a été appliqué. Je dois mentionner qu'en soumettant une copie des règles dans leur état d'alors au War Office, par l'intermédiaire du colonel Moncrieff, qui s'y est gentiment intéressé, j'ai constaté pour la première fois que le lieutenant-colonel Melville, R.E., avait déjà proposé un appareil, dont j'ai appris par la suite qu'il l’avait breveté en avril dernier, pour être utilisé dans le but de transmettre des dessins ou des marques sur un dessin par signal.

Voici les termes de sa spécification :

 

"Il est souvent commode de pouvoir communiquer par télégraphe ou par téléphone, ou généralement par signal, à distance, des informations sur des localités et des positions lorsqu'il n'y a aucun moyen de transmettre des plans. Mon invention concerne une méthode et un appareil pour produire, d'après le signal, des copies de plans ou d'autres marques, la même méthode et l'appareil étant également applicables pour communiquer par chiffrement." A cet effet, je fournis, à chacune des deux stations qui doivent communiquer, un tableau ou cadre qui est gradué le long du côté par des chiffres ou des lettres distinctifs, et qui est muni d'une règle graduée qui peut être glissée, guidée parallèlement à elle-même, le long de la planche ou du cadre. En supposant qu'un plan ou un croquis existant à l'une des stations doit être reproduit à l'autre, l'opérateur expéditeur fait glisser sa règle le long du plan jusqu'à un certain point de celui-ci et signale les deux chiffres, lettres ou marques qui indiquent cette position, le seul chiffre , lettre ou marque signifiant la position de la règle, et l'autre la position du point relativement à la règle, c'est-à-dire qu'elles indiquent les coordonnées du point.

L'opérateur récepteur déplace sa règle et marque un point en fonction du signal. Ainsi, en signalant les coordonnées d'un certain nombre de points sur le plan à la station d'envoi et le caractère des localités avec lesquelles ces points correspondent, l'expéditeur permet à l'opérateur de réception de déterminer les points correspondants, et d'esquisser un plan correspondant à la original. De la même manière, d'autres dessins ou marques pourraient être reproduits selon le signal, et les chiffres pourraient également être communiqués de plusieurs manières. Par exemple, un message pourrait être envoyé sous forme de croquis ou de dessin avec un certain nombre de ses points marqués par l'expéditeur selon à des lettres ou des marques comptées à partir d'une origine prédéterminée de coordonnées, et le récepteur, soumettant ce croquis à son cadre, serait capable de lire les mêmes lettres que celles par lesquelles les points ont été déterminés sur le croquis, et pourrait ainsi déchiffrer le message. " Ayant maintenant particulièrement décrit et déterminé la nature de ma dite invention, et de quelle manière elle doit être réalisée, je déclare que ce que je revendique est :

1. Le procédé décrit ici consiste à produire des copies par signal, c'est-à-dire en signalant les coordonnées de points à partir d'une station, et en marquant ces points à une autre. 

2. Pour produire des copies par signal ou communiquer par chiffrement, l'utilisation, à chacune des deux stations de communication, d'un appareil consistant en une planche ou un cadre gradué le long de son côté et une règle coulissante graduée adaptée à celui-ci, essentiellement comme décrit ici."

Je comprends que le lieutenant-colonel Melville a formulé des instructions et des suggestions pour l'utilisation de son appareil ; et j'espère qu'il donnera à l'Institution le bénéfice de ses vues sur le sujet de cet article. Sa spécification, ses instructions et son appareil, et notre système, qui a depuis été considérablement modifié et amélioré, ont tous deux, je crois, été jugés et signalés à Aldershot, et je comprends qu'ils ont ensuite été envoyés au Collège du personnel. Aucun appareil autre que le papier et le crayon, et quelques bandes découpées dans le papier et marquées de la manière qui sera décrite ci-après, n'est absolument nécessaire pour convertir le dessin en un message susceptible d'être signalé, ou pour reproduire le dessin à partir du message, par notre système ; mais par commodité et pour gagner du temps, nous utilisons du papier à coupes, c'est-à-dire du papier avec de faibles lignes équidistantes réglées verticalement et horizontalement, et certains instruments qui seront également décrits plus loin. Un plan pourrait éventuellement être signalé au cours du temps en donnant simplement les coordonnées des points en liaison avec des phrases explicatives, mais le message serait d'une longueur si démesurée qu'il serait pratiquement inutile.

Afin de ramener le message dans un cadre raisonnable, nous avons progressivement établi un certain nombre de règles, que je vais maintenant expliquer à l'aide des schémas.

Colonnes

 

Le dessin est divisé par des lignes réelles ou imaginaires en colonnes d'une certaine largeur, et en rangées de même largeur, perpendiculaires aux colonnes. Supposons d'abord que le dessin soit carré et qu'il soit divisé en vingt-quatre colonnes et le même nombre de lignes, et que les colonnes soient marquées comme dans la Fig. 1 avec les lettres de l'alphabet (en omettant T et Z) de gauche à  droite, et les rangées doivent être marquées de la même manière de haut en bas.

Sur la figure 1, la ligne droite 6c est désignée par le groupe « FJMC ». Lignes courbes. — Une ligne passant par une série de points, telle que la ligne defg de la figure 1, est désignée par la série de groupes qui désignent ces points ; et pour distinguer la ligne d'un certain nombre de points détachés, la lettre T est utilisée. On se souvient que cette lettre est une de celles qui sont omises des alphabets placés autour du carré. Il est placé au début du premier groupe de la série et à la fin du dernier. Ainsi la ligne defy est désignée par la suite « TLH, NJ, PE, SI, XDT ». Espaces fermés. — Il est important d'économiser des lettres et de raccourcir le message lorsque cela est possible, et si la ligne finit par atteindre le point d'où elle a commencé, de manière à enfermer un espace, la paire de lettres désignant ce point peut être omise du dernier groupe du série, laissant la lettre T seule. Le chiffre ijklm peut donc être désigné par la série « TEN, CV, JS, MW, KO, T », le seul T étant utilisé à la place de « ENT ».

 

Une ligne courbe est indiquée en indiquant autant de points qu'exige le degré de précision requis. Par exemple, la série "TPV, QS, SR, UP, SOT" désigne la courbe nopgr suffisamment précise pour les besoins d'un croquis. Le préfixe Deg sera composé de trois lettres, dont la première est Z, la seconde des lettres omises des alphabets placés autour des carrés. Les deux autres lettres du préfixe sont déterminées selon la règle déjà donnée pour désigner un point.