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Le telediagraph de Ernest A. Hummel (1897-1899)
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Ernest A. Hummel

(Source : Frank Leslie's Popular Monthly, April 1901)

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Les premiers portraits transmis par télégraphe avec le telediagraph d'Ernest A. Hummel,

The Saint Paul Globe, 6 December 1897

Il s'agit du portrait de Madame H.R. Gibbs, et de celui de Abert Scheffer, La transmission test a eu lieu à la mi-novembre 1897.

Ernest A. Hummel, horloger à Saint-Paul, dans le Minnesota, est le grand oublié des histoires des télécommunications et de la phototélégraphie. Il est pourtant le quatrième,  après Caselli, Whilloughby, N.S. Amstutz, à avoir réussi la transmission de portraits, sous forme de dessins, par télégraphe et son appareil, le telediagraph, a suscité l'enthousiasme dE Guglielmo Marconi.

Un immigré allemand

Ernest Hummel est né en 1867 en Allemagne. Il est arrivé aux Etats-Unis en 1884. En 1888, il épouse dans le Connecticut à Louisa Vestuaber.  D'après les données du des recensements,  ils vivaient à Saint-Paul, Minnesota, dès 1890. Ernest A. exerçait le métier d'horloger chez Haman & Co. .Entre 1907 et 1914, Hummel a obtenu une douzaine de brevets d'horlogerie. Il et mort le 10 octobre 1944 à Ramsey County, Minnesota. (Sources : Ancestry.comWiki Tree)

 

Hummel déclare avoir commencé ses travaux en 1895. Selon lui cette époque, alors qu'il rendait visite à ses parents en Allemagne, il a vu un article de journal avec un portrait. L'image était esquissée sur des lignes perpendiculaires, certaines tracées en travers, d'autres de haut en bas de l'image formant des carrés. "Avec ces lignes, je pouvais voir à quel point un opérateur serait dérouté. J'ai donc travaillé sur la théorie d'en finir avec les lignes de croisement.". 

 

La première expérience a lieu à la mi-novembre 1897 et a consisté dans la transmission des portraits de Madame H.R. Gibbs et de Albert Scheffer.

 

Jane Debow-Gibbs et Albert Schaeffer

 

Madame H.R. Gibbs est présentée comme activiste anti-alcoolique ("temperance leader"). Il s'agit en fait d'une des plus anciennes résidentes non autochtone de la région des lacs. Née Jane Debow (1828-1910), elle était arrivée de Batavia (New York) par bateau à l'âge de six ans sur les bords du Lake Harriett, "adoptée" par la famille Stevens.  Elle avait sympathisé avec les Indiens de la tribu de "Cloud Man", qui lui donnèrent le nom de Zitkádaŋ Yúzawiŋ, "le petit oiseau qui a été attrapé". Elle apprit le Dakota. Après avoir voyagé dans le Midwest avec sa famille d'adoption, elle épousa en 1848 Herman Gibbs et ils s'établirent dans les Minnesota Territories qui venaient d'être créés. Ils développèrent un commerce agricole et eurent cinq enfants. Leurs amis Dakota venaient régulièrement camper pendant plusieurs semaines sur leur terrain, jusqu'en 1862, lorsqu'éclata le "conflit du Dakota" entre les Indiens et le gouvernement.. Après la mort de Herman en 1891, elle resta dans la ferme familiale; Elle fréquentait l'église méthodiste de Minneapolis et le fait que la presse,e n 1897, la présente comme activitse anti-alcoolique signifie ,probablement qu'elle a été sensibilisée par les ravages de l'alcool chez les Native Americans  et qu'elle est devenue populaire pour son combat. Elle mourrut en mai 1910. 

 

Le fait que son portrait ait été choisi pour l'expérience de Hummel en collaboration avec le Saint Louis Globe atteste de sa notoriété locale. La Gibbs Farm est devenue un écomusée et le nom de Jane Gibbs un symbole de la solidarité interculturelle. Curieusement, ni sa biographe, Deanne Zibell Weber ni la Ramsey County Historical Society ne semblent être au courant de ce que son portrait a été le premier à être télégraphié avec succès. (1)

 

Albert Scheffer (1844-1905) était quant à lui né à Rheinberg, en Prusse et est arrivé à New York en 1849 à l'âge de cinq ans (2). Il s'est établi à Saint-Louis en 1859. Au cours de sa carrière, Albert Scheffer a été impliqué dans de nombreuses entreprises commerciales liées au développement économique de St. Paulet de la région environnante. Grâce à la banque, il a acquis des investissements et un capital social qu'il a mis à profit pour pénétrer de nouveaux secteurs tels que l'édition de journaux, l'acquisition de terres, l'extraction de ressources naturelles et le courtage d'assurances. Ces entreprises ont prospéré pendant l'ère de reprise qui a suivi la longue dépression économique des années 1870 (résultant de la panique financière de 1873). Cependant, la panique de 1893 a révélé des faiblesses importantes dans ces entreprises et a préparé le terrain pour l'échec financier  de Scheffer. Il a également été impliqué en politique et a été sénateur du Minnesota de 1887 à 1891, mais n'a pas réussi à obtenir l'investiture du Parti républicain comme candidat aux élections de 1888. En 1897, l'essentiel de sa carrière est derrière lui, mais comme il a été employé du Saint Paul Globe et entretenait par la suite des relations régulières avec les journalistes de ce journal. Il était un de piliers de la communauté allemande locale, à laquelle appartenait également Ernest A. Hummel, ce qui explique probablement la présence de son portrait dans l'expérience historique de 1897.

La description de l'appareil

Selon la description que donne Globe (et que l'on retrouvera dans d'autres articles, notamment celui de Electrical engineer du 23 décembre 1897), l'appareil de Hummel est quelque peu complexe, combinant comme il le fait trois ou quatre forces motrices différentes.

 

L'émetteur et le récepteur sont chacun des machines joliment conçues, réalisées en grande partie en laiton, et bien que lourdes dans la construction, elles n'occupent plus d'espace qu'une machine à écrire ordinaire sur la table de projection sur laquelle le dessin de l'image est placé dans l'un ou le papier vierge pour l'impression dans l'autre,  Le récepteur et l'émetteur ont à un coin un petit moteur électrique, plus petit que le boîtier d'une petite paire de jumelles. C'est une véritable affaire de poche de gilet, dont l'utilité est de faire fonctionner le chariot qui tracte les crayons à copier de la machine. dans le va-et-vient sur l'aire à copier.

Dans l'émetteur, ce chariot est muni d'un bras saillant, à l'extrémité duquel est insérée en caoutchouc vulcanisé une pointe acérée de platine. Cette pointe de platine est dessinée par un ingénieux mécanisme d'horlogerie automatique sur la surface de la plaque à chaque fois à une minute de la ligne dans laquelle elle s'est déplacée auparavant, le réglage étant effectué par une vis et une triple série de cliquets qui, en tournant la vis plus ou moins, régler la largeur entre les lignes. Une fois que la machine est connectée au circuit électrique et que la pointe de platine est mise en mouvement à chaque fois que se tend la gomme laque, le circuit est interrompu. Cette coupure dans le circuit jette contre le papier récepteur dans la partie complémentaire de la machine une pointe d'aiguille acérée, qui grave dans la surface une ligne correspondant à la course prise par la pointe de platine sur l'isolation en gomme laque. Lorsque la pointe de platine est passée sur la gomme laque et que le circuit est à nouveau fermé, la pointe de l'aiguille est relevée. Le réglage le plus minutieux du mouvement d'horlogerie est nécessaire pour un fonctionnement harmonieux des instruments. Tandis que le chariot est propulsé par le moteur électrique, le mécanisme d'horlogerie est nécessaire pour contrôler sa vitesse, et ceci est accompli avec l'aide, en plus de l'aspect ordinaire du système de dentelures, de plusieurs ventilateurs tourbillonnants, un peu comme le gouverneur de une machine à vapeur, sauf qu'ils ont des disques au lieu de sphères. L'instrument prend une photo complète en une vingtaine de minutes.

La transmission de mi-novembre 1897

Le Saint-Paul Globe ne fournit pas beaucoup de détails sur la transmission expérimentale de la mi-novembre 1897, en particulier sur la distance entre l'émetteur et le récepteur. L'expérience a été menée sur les câbles de la compagnie ferroviiaire Northern Pacific, sous le contrôle officiel des électriciens de l'entreprise Il indique que la principale observation a été la lenteur du processus puisqu'il a fallu 35 minutes pour le transfert (d'un ou des deux portraits, cela n'est pas précisé). Le portrait de Scheffer comprend plusieurs traits de bavures, probablement du à des interférences sur la ligne.  L'inventeur a donc dû apporter des perfectionnement avant la transmission du 5 décembre.

L'article du Globe imagine deux utilisations principales pour l'appareil : la communication policière des portraits de criminels et l'information de presse. La transmission du 5 décembre va être la combinaison de ces deux hypothèses : le portrait qui va être transmis est celui d'Adolph Luetgert, un suspect de meurtre dont le procès défraye la chronique (et est, par ailleurs, considéré par les historiens comme une des premiers procès médiatisés aux Etats-Unis).

La transmission du 5 décembre 1897

La transmission qui révèle réellement le telediagraph de Hummel est celle du 5 décembre, menée en collaboration avec le New York Herald. Le récit en a été traduit par J. Cazé pour La revue des revue, qui synthétise opportunément les articles parus dans l'édition parisienne du quotidien new yorkais : 

 

"Dès la première nouvelle de l'invention, le New-York Herald entra en négociations avec l'inventeur, l'invita à venir dans la grande ville américaine faire la démonstration de sa théorie, l'y décida et lui offrit, au cas de réussite de ses essais, de mettre à sa disposition l'énorme publicité du journal. M Hummel se mit donc en route, laissant partir par le train de marchandises ses trois caisses contenant ses appareils et sachant d'avance qu'aucun œil curieux ne s'aviserait d'en sonder le contenu pendant le voyage, qu'aucun rayon X ne trahirait son secret. Il eut d'ailleurs été difficile de le lui voler, car lui seul savait comment il fallait ajuster le mécanisme électrique, le récepteur et le transmetteur. Ces trois appareils se trouvaient, du reste, sous verre et il eut fallu briser celui-ci pour pouvoir toucher aux rouages.

 

C'est dans la grande salle de la bibliothèque du New-York Herald à New-York (on sait que ce journal a également des bureaux d'édition à Paris), qu'eut lieu l'expérience, et c'est là que les appareils furent disposés côte à côte sur une des longues tables. L'expédition d'une image par le télégraphe. Le fil télégraphique partait de l'hôtel du Herald pour aboutir aux bâtiments de la Western Union Telegraph Company, au coin de Broadway et de Dey-Street ; la distance entre ces deux points était de quatre milles (le mille anglais équivaut à 1.760 yards ou 1.609 m. 30). Le fil passe par un conduit; un embranchement ou extension fut fait par l'addition d'un bout de fil que l'on fixa aux instruments grapho-télégraphiques à l'aide de poucettes ordinaires. M. Hummel disposa ses appareils de manière à les faire fonctionner en concordance et annonça ensuite qu'il était prêt à transmettre une image par le fil. La distance de huit milles pouvait être considérée comme probante pour l'expérience qui, si elle réussissait, se ferait. aussi bien à vingt et trente milles. L'inventeur plaça alors successivement dans l'appareil transmetteur quelques-uns des dessins qu'il avait apportés.

 

La transmission de chaque dessin se fit en vingt deux minutes environ. Le directeur du journal lui demanda de transmettre des dessins qui n'auraient pas été préparés d'avance et qu'un artiste se chargerait d'exécuter sur-le-champ. Déférant à ce désir, M. Hummel remit entre les mains de l'artiste une plaque d'étain de 4 1/2 pouces carrés. out ce que vous avez à faire, lui dit-il, c'est de tracer votre dessin là dessus en laissant une marge d'un demi-pouce de chaque côté, et en vous servant de la brosse ou de la plume, mais avec la précaution d'employer au lieu d'encre une certaine quantité de laque dissoute dans de l'alcool. L'artiste reproduisit sur la plaque, d'après une photographie, le portrait du nouveau maire élu de New-York, M. Van Wyck.

 

L'inventeur mit la plaque dans l'appareil transmetteur comme il avait fait précédemment pour les autres dessins, et au bout de vingt-deux minutes l'appareil s'arrêta automatiquement. Succès complet. Dans l'appareil récepteur, sur le papier préparé à cet effet, le portrait du magistrat municipal se trouvait re- produit avec une exactitude frappante, absolue, défiant toute objection, toute critique. M. Hummel assure que la transmission se fera dans les mêmes conditions de réus- site parfaite sur toutes les lignes télégraphiques actuellement en activité, quelle que soit leur longueur."

La transmission du 6 décembre a eu un fort retentissement dans la presse américaine. La base Newspapers.com recense pas moins de 63 articles parus dans la presse entre le 8 et le 31 décembre 1897.

La transmission du 4 janvier 1898

L'article que l'édition parisienne du 16 janvier 1898 consacre à la démonstartion du 5 décembre est complété par une dépêche en provenance de Camden, New Jersey, en date du 4 janvier 1898, définie comme date historique.. L'article explique que l'appareil émetteur a été transporté à Camden sans problème, afin de transmettre des images du procès Shaw qui s'y tenait.

La première tentative de dessin fut faite avec du gombo, une plante qui contient de la résine. mais l'expérience ne fut pas concluante et l'on revint à la solution initiale, avec de la gomme laque.  L'expérience fut concluante et en 25 minutes, il fut possible de transmettre un portrait du juré Cow, qui venait d'être récusé. 

Perfectionnement de l'appareil

Les éditeurs s'intéressent à l'invention de Hummel.

 

Dans l'édition parisienne du 6 avril 1899 et mentionné le fait que le New York Herald a utilisé le système pour transmettre des images durant la guerre avec l'Espagne, qui s'est déroulée à Manille et à Cuba.

Un  article de The Electrical World, 6 mai 1899, indique que Hummel procède à des perfectionnements de son appareil, en collaboration avec le New York Herald, mais également avec le Times Herald de Chicago, Republic de Saint-Louis, Enquirer de Philadelphie et le Herald de Chicago. Il note : "L'appareil de Hummell semble être tout à fait praticable, la simplicité de son mécanisme de synchronisation lui donnant un grand avantage sur les anciens types de télégraphes à images Caselli. L'appareil a été travaillé en duplex avec succès. Dans un cas, il y a quelques jours, une photo a été envoyée de New York à Saint-Louis tandis qu'une était reçue du même endroit à New York, cette dernière photo étant en outre reçue simultanément à Boston."

Hummel signe un contrat d'exclusivité de deux ans avec le New York Herald et cinq journaux apparentés : Boston Herald, Chicago Times Herald, Detroit Free Press, Philadelphia Inquirer, Saint-Louis Republic.  Le 23 avril 1899, les rédactions des journaux impliqués s'échangent des portraits de Herman H. Kohlsaat, directeur du Chicago Times Herald, de Bates et de Bratton du Boston Herald, du Sénateur Major de Saint-Louis, de Kending de l'Enquirer de Philadelphie et de quelques prisonniers pour contrefaçon. (The Piqua Daily Call, 5 May 1899).

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Karen Gluhm devant le portrait au carbone de son arrière grand-mère Jane Debow-Gibbs, qui est probablement celui qui a été utilisé pour la transmission expérimentale de novembre 1897. (Source : Ramsey County History)

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Jane DeBow-Gibbs dans les années 1880 (Photo par C.A. Delong, Sunbeam Gallery Saint Anthony, Minnesota. (Source : Ramsey County History)

(1) Deanne Zibbell Weber, "Jane Gibbs, The Little Bird that was Caught" and Her Dakota Friends", Ramsey County History;, Spring 1996, pp.4-16   SIte de la Ramsey County Historical Society 

(2) Pour une biographie détaillée d'Albert Scheffer, voir "Albert Scheffer (1844-1905)", Immigrant Entrepeneurship.com, consulté le 23 avril 2023

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Albert Schaeffer vers 1885 (Source : Immigrant Entrepreneurs.com)

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Telediagraph d'Ernest A. Hummel 

(Source : Der Mechaniker)

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Source : Pearson's Magazine

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Schéma de lu telediagraph d'Ernest A. Hummel (Source : The Electrcial Review

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Source : La Revue des revues

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Le récepteur du telediagrapg d'Ernst A. Hummel (Source : La Revue des revues)

(3) Sur Adolph Luetgert, voir "Adolph Luethert", Muerderpedia;com, consulté lle 24 avril 2023

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Deesins transmis le 5 dcembre 1897 tels que repris dans  The Courier Journal, Louisville, le 25 décembre 1897/ d'après le New York Herald.

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Les mêmes portraits repris dans l'édition parisienne du New York Herald, 5 janvier 1898.. Le personnage barbu est Adolph Luetgert. Le moustachu est probablement Robert Van Wyck maire de New York. 

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Adolph Luetgert en 1893

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Le maire de New York, Van Wyck, édition parisienne du New York Herald, 5 janvier 1898. Bien que la légende indique "by wire", il est évident que ce portrait n'est pas celui quia  été transmis.

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Portrait du juré Cox, transmise Camden, NJ, à New York le 4 janvier 1898 (Edition parisienne du New York Herald, 16 janvier 1898)

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Un portrait envoyé de New York à Saint-Louis (sans retouche)

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Dessin télégraphié avec le telediagraph amélioré, avec retouche (Source : Electrcial World).

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Leslie's Popular Monthly, April 1901

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Le telediagraph en activité,

Der deutsche Beobachter, Ohio, 11 May 1899

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La même image dans l'édition parisienne du 19 mai 1899

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Les portraits transmis entre les différentes rédactions des  six journaux, reproduits le 23 avril 1899 reproduits dans l'édition parisienne du 19 mai 1899.

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Ce dessin représentant le procès du Sénateur Matthew Quay le jour de son ouverture à Philaldephie a été publié par le Philadelphia Inquirer le 11 avril et transmis par télégraphe au Chicago Times Herald (Source : Kansas City Journal , 28 April 1899)

D'autres images du procès Quay ici.

Images de guerre

 

La guerre entre les Etats-Unis et l'Espagne, à Cuba puis aux Philippines constituait  un sujet de prédilection pour la presse. Il était évidemment impossible de télégraphier des photos depuis l'étranger. Mais la guerre à Cuba fut l'occasion pour le New York Herald et Hummel de réaliser un nouvel exploit. Le samedi 12 mars, le Herald, le Philadelphia Inquirer (et probablement les autres journaux associés) ont publié une "photo" du Général cubain Maximo Gomez et une du croiseur Montgomery entrant dans le port de La Havane. Les explications fournies par The Philadelphia Inquirer indique que les photos ont été transmises vers les locaux du Herald depuis Key West, à plus de 2000 miles, de loin la distance la plus importante que des images aient parcouru sur les câbles. Le câble avait été fourni par la Western Union Telegraph Company. Il joignait le Herald Building au principal bureau de la Western Union Telegraph Company. De là, il joignait Philadelphie, Washington, Jacksonville, puis sous un terrain marécageux Punta Rassa sur la côte sud-ouest de la Floride et de là 130 miles jusqu'à Key West. Hummel, un correspondant et un artiste du Herald avaient fait le déplacement jusqu'à Key West pour organiser l'émission des images. Les photographies avaient évidemment arrivées en bateau depuis La Havane. Selon The Journal (24 June 1898), le prix de location quotidien du câble entre New York et Key West était de 1200 dollars. Selon The Halifax Herald (28 juin 1898) le coût de location serait plutôt de cinqaunte dollars par heure. Ce journal précise que la transmission du texte se fait simultanément à celle de l'image, en utilisant les possibilités duplex du câble.

On notera que les deux images mentionnent le nom et le copyright de James Gordon Bennett, le directeur du New York Herald Tribune.

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Le genéral Maximo Gomez, Philadelphioa Inquirer, 12 March 1898.  "Photo" transmise depuis La Havane par câble sous-marin vers Key West.

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L'arrivée du croiseur Montgomery à La Havane, publiée par le Philadelphia Inquirer le 12 mars 1898.

Le 5 mai 1899, c'est le retour de la flotte de l'Amiral Sampson de retour d'une mission dans les Antilles après la guerre de Cuba, qui est l'objet d'une transmission considérée comme exceptionnelle. Cette fois, c'est la rapidité d'exécution qui est mise en avant: il n'a fallu que trente-cinq minutes entre le début du dessin dans les bureau du Herald et l'arrivée complète  de l'image dans les bureaux du Chicago Times Herald.  Dans ce cas il n'y a pas eu de retouche et un journaliste de The Courier, Saint-Louis,  écrivait que le résultat ressemblait plus à une expédition arctique perdue dans les icebergs, tout en saluant l'exploit et en reconnaissant que si le dessin avait été retouché, cela aurait été vraiment très intéressant.

Le retour de la flotte de l'Amiral Swanson, retour des Indes occidentales transmises par télégraphe depuis New York,  Detroit Free Press, 5 May 1899

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The Courier, 5 May 1899

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Tracé du câble de la Western Union Telegraph Company utilisé pour la transmission des deux images en provenance de La Havane.

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Le récit de Charles Emerson Cook, publié en 1900 dans le Pearson's Magazine, évoque une autre image exemplaire reçue simultanément par les différents journaux associé, celle « premier coup de feu tiré sur Manille ». ("first gun tired on Manilla"). Cette photo est encore évoquée dans un article du New York Herald (édition parisienne) le 7 juillet 1901. J'ai donc essayé d'identifier cette image citée en exemple. Il doit probablement s'agir de "Fired The Fired Shot at Manilla" une phonographie de J.C. Hemment publiée le 17 septembre 1899 dans le Detroit Free Press. Elle fait partie d'un ensemble de trois photos avec copyright de Hemment., un  photographe qui avait couvert la guerre de Cuba et qui avait pu prendre une série de photos prises sur le croiseur Olympia, commandé par l'Amiral Dewey, arrivant de Naples après sa victoire aux Philippines. La photographie montre l'équipe des trois marins qui ont ouvert le premier feu à Manille en mars. Hemment était revenu dès le 25 août, avant même l'arrivée du navire et ayant emporté avec lui les photos que sa concurrente Frances B. Johnston lui avait confiée et qu'il se garda bien de diffuser (4). Il a probablement vendu ses photos au Detroit Free Press par l'intermédiare de la Detroit Photographic Company, qui s'était fait une spécialité de la distribution vers la presse des photographies de la guerre avec l'Espagne. Le Detroit Free Press a transmis les photos par télégraphe au New York Herald et on retrouve, le même jour, le dessin tiré de la photo, dans le Philadelphia Inquirer. Le tour de force consistait ici à publier une image qui donnait au public la perception d'avoir été sur le pont avec les soldats. Le dessin donne un résultat plus lisible que la photo, probablement en similigravure.

 

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Detroit Free Press, 17 September 1899

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The Philadelphia Inquirer, 17 September 1899

(4) Voir à ce sujet Laura WEXLER, Tender Violence: Domestic Visions in an Age of U.S. Imperialism, UNC Press Books, 2000 , 47-49

Photographie de J.C. Hemment dans le Detroit Free Press, 17 septembre 1899

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Dessin télégraphie dans le Philadelphia Inquirer,

17 septembre 1899

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L'article du Frank Leslie's Popular Monthly d'avril 1901 consacré au telediagraph propose un dessin "plus élaboré" représentant une scéne militaire qui, d'après le casque colonioal de l'officier au premier plan, pourrait être une scène de la Guerre des Boers.  Sa date de publication d'origine reste à identifier.

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Scène militaire transmise par telediagraph (

Frank Leslie's Popular Monthy, April 1901)

Le 9 novembre 1899, des dessins sont transmis à l'occasion du mariage de l'Admiral Dewey, héros de la guerre de 1898 contre l'Eepagne. Quelques mois plus tard le Pearson's Magazine, publie un  article célébrant l'appareil et  reproduit quatre images expliqant le passage de la photo initiale au dessin publié.  

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Portrait de Lady Annesley, graveuse sur bois et aquarelliste. Photographie d'origine, dessin obtenu après transmission dans des conditions choisies délibéremment comme difficiles et résultat après retouche publié par le Frank Leslie's Popular Monthly dans le titre de son article (Avril 1901)

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Message manuscrit transmis par telediagraph de New York à Saint-Louis (Frank Leslie Popular Monthly, April 1901

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Portraits du fils et de la fille d'Ernest A. Hummel transmls par telediagraph (Frank Leslie's Popular Monthly, Aril 1901)

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L'émetteur transmettant une photo de Croker depuis le New York Herald vers le Chicago Times Herald (Source : Perason's Magazine)

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L'enthousiasme de Marconi

Une fois l'enthousiasme initial épuisé, l'appareil de Hummel est vite apparu comme insuffisant : la transmission était lente et les résultats peu probants. Après que le Chicago Times Herald eût publié un dessin montrant le retour de la flotte de l'Amiral Sampson dans le port de New York, The Courier (5 May 1899) commente "Cela ressemblait plus à un expédition dans l'Arctique prise  dans les icebergs du Pôle Nord, mais la réalisation artistique est néanmoins remarquable". Le journal de Saint-Louis reconnaît cependant qu'il ne s'agit que d'une esquisse et que les grands événements, accidents, parades, conventions devront être illustrés par cette méthode. "Le monde bouge". 

Le 6 mai 1899 un article du Boston Evening Transcript compare les mérites respectifs du telegiagraph d'Ernest H. Hummel (plus rapide) et l'appareil, présenté dès 1891, plus lent mais aux résultat plus nuancés de N.S. Amstutz. Tout en constatant les mérites de Hummel, il indique que beaucoup de progrès restrent à accomplir.

En octobre 1899, Marconi fait son premier séjour à New York, à l'invitation de James Gordon Bennett Jr., le bouillonnant éditeur du New York Herald, .très attentif aux innovations technologiques. Le New York Herald a choisi d'utiliser la T.S.F. pour transmettre les informations de la régate de America Cup et arrive ainsi à griller ses concurrents.  Interrogé par un journaliste qui lui demande s'il connaît que le telediagraph, il répond que oui, qu'il l'a étudié et que c'est une sorte de merveille, même si, comme la T.S.F., il demande à être perfectionné. Il indique que s'il avait un peu de temps, il pourrait faire des transmissions d'image par la T.S.F. (The Commercial Appel, 9 October 1899)

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Le désintérêt et l'abandon

A partir de 1900, les articles se font rare rares dans la presse américaine. En janvier 1900, The American amateur photographer exprime encore son optimisme sur le succès de l'appareil : "Alors que nos amis de Pittsburg attendent la réalisation de cela avant que de nombreux mois ne passent au-dessus de nos têtes, nous pouvons vivre pour voir une bataille aux Philippines ou dans le Transvaal, illustrée dans nos journaux du matin le lendemain de sa survenue. . Quelque chose comme cela a déjà été promis et n'a jamais dépassé le stade prometteur, mais Ernest A. Hummell, de St. Paul, a réussi là où d'autres ont échoué, car, selon Photography, "il n'y a aucun doute quant à son succès."

 

Le 19 avril 1901, le contrat d'exclusivité avec le groupe du  New York Herald arrive à expiration. Il n'est pas renouvelé et il ne semble pas que d'autres titres se soient précipités pour utiliser l'invention. L'article qui paraît en avril 1901 dans le Frank Leslie's Popular Monthly, abondamment illustré, est le chant dy cygne du telediagraph. L'inventeur y présente les différentes utilisations possibles, outre l'illustration de presse : le signalement par la police de criminels, possible simultanément en divers endroits, la présentation indsutrielle de produits, la transmission d'informations militaires sur un champ de bataille,... Hummel annonce aussi son projet de tester la transmission trans-atlantique. Il indique que des portraits ont été transmis par câble sous-marin entre New York et Key West, en Floride. 

Les expériences de transmissions d'images sans fil 

Hummel lui-même va se consacrer à la recherche de la transmission des images par la T.S.F. (wireless), comme l'indique un entrefilet paru dans The Minneapolis Journal du 9 février 1901.

 

 

En juin 1901, la presse rapporte que des expériences de transmission d'image en T.S.F. sont faites en utilisant le telediagraph. Ces initiatives paraissent avoir été faites à l'initiative du New York Herald, suivant de Marconi, qui en avait formulé l'idée en octobre 1899, à l'occasion de l'America's Cup. D'après les articles d'Electricty et  du Minneapolis Daily Times du 16 janvier 1901, il ne semble pas que Hummel ait été impliqué directement dans ces expériences utilisant son appareil.

 

C'est surtout W.J. Clarke qui paraît être le meneur de jeu. William Joseph Clarke était un pionnier de la T.S.F. aux Etats-Unis et c'est lui qui avait organisé la transmission de l'America's Cup en octobre 1899 pour le New York Herald. Il espérait pouvoir utiliser la T.S.F. pour transmettre des images de l'America's Cup de 1901, mais ce projet, comme l'indique H.L. Chadbourne, a avorté.  L'expérience de W.J. Clarke n'a pas eu beaucoup d'échos et est négligée dans les histoires de la phototélégraphie et de la radiodiffusion. En 1913, quand C. Francis Jenkins a commencé à s'intéresser à la diffusion de films par T.S.F., un article dans The Marconigraph (Janvier 1913) a rappelé que plusieurs dessins avaient été transmis, en 1901, au travers d'un mur de huit pouces en recourant au telediagraph.(voir l'article sur W.J. Clarke ici)

 

Clarke a par la suite fait la démonstration au Canada.  du telediagraph, avec transmission par télégraphe à l'occasion dr Exposition nationale canadienne de 1901. La première exposition eut lieu le 23 août 1901. L'émetteur et le récepteur furent installés dans les bureaux télégraphiques du Great North Western à Toronto. Un dessin du président McKinley fut envoyé par fil à Hamilton, Ontario et retour, sur une distance de 80 milles. Vingt minutes ont été nécessaires pour compléter le dessin. L'essai s'est bien passé. L'éloge était sans retenue :  le Toronto Daily Star est allé jusqu'à qualifier les résultats de « Triomphe du télégraphe dans le domaine de l'art».

Plus tard, Hummel reviendra des recherches dans son domaine d'origine, et obtenir une douzaine de brevets. L'appareil de Korn, puis celui de Belin vont bientôt apparaître beaucoup plus performants. 

En 1911, dans leur Handbuch fûr der Phototelegraphie und Telautographie, Korn et Glatzel décrivent l'appareeil et concluent :"Malheureusement, on ne trouve rien de précis dans les rapports sur les vitesses de transmission, qui étaient sans doute trop élevées pour suffire à de véritables constatations pratiques.

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Appartement de Hummel au 808 Ohio Saint-Paul (Source : Minnesota Historical Society)

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Ernest A. Hummel

(Source : New York Herald, édition parisienne)

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W.J. Clarke, The Electrical Age, 25 December 1897

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Dessin du telediagraph utilisé par Clarke à Toronto (The Toronto Daily Star, 24 August 1901, in CHADBOURNE, 1982)

Principaux articles de presse sur Ernest A. Hummel

  • "The Transmission of Pictures by Telegraphy", The Electrical Review, 9 June 1899, pp. 926-927.

  • Déclaration de Marconi sur le telediagraph (Daily News, San Francisco Call, The Courier),  9 October 1899

  • “Sent a Portrait Over the Wires,” Daily Star, Toronto, Ontario, August 24, 1901 (cité in Chadbourne, 1982)

  • "Hummel Facsimile Telegraph", in "Automatic Facsimile Telegraph System", International Library of Technology, vol. II Telegraphy, International Textbook Co, 1901

  • "Telediagraph", Encyclopedia Btitannica, New American Supplement, vol. XXIX, 1903, p.238

Citations dans la littérature scientifique contemporaine

Le telediagraph de Hummel est très peu cité dans la littérature scientifique contemporaine.

Mentionons cependant :

  • SALOMON D., A Concise History to Data Compression, Springer Verlag 2008 indique assez curieusement (p.84) que le telediagraph, ainsi que d'autres machines de transmission d'images, est resté eb usage jusque dans les années 1970.

André Lange, 24 avril 2023, Mises à jour 26 avril 2023, 29 avril 2023. 

Mécanisme d'horlogerie d'échappement à la gravité, pour lequel Hummel a obtenu un brevet le 26 mai 1914/

Saint-Paul, Minnesota, au début du XXème siècle. 

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Source : Der Mechaniker

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The Endicott Building, 352 Robert Street à Saint-Paul où était établie la société d'horlogerie Haman & Co pour laquelle travaillait Ernest A. Humme; (Source : Richard Romero).

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