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En 1896 Frank M. Close prétend avoir inventé un télectroscope basé sur les propriétés des "rayons magnétiques.
 

Un polymathe californien, inventeur et vulgarisateur à l'imagination un peu fantaisiste

 

 

Frank M. Close, d'Oakland (Californie) est un de ces "scientifiques et inventeurs" pittoresques comme l'on en rencontre quelques uns dans la presse de la fin du XIXème siècle. 

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A vrai dire, on sait peu de chose sur sa formation et le statut de scientifique que lui accordait la grande presse, mais visiblement pas les revues scientifiques ou professionnelles.

 

Un article du Pittsburgh Daily Post nous indique qu'il a 56 ans en 1896.  Il serait donc né en 1840. Dans cet article, Close indique être plus soucieux de découvertes pratiques que de théories scientifiques. Il prétend également avoir travaillé en collaboration avec Camille Flammarion et le physicien Raoul Pictet, lors d'un voyage en Europe, pour établir sa carte de Mars. Si l'on en croit le San Francisco Call (24 November 1895), Dr. Frank M. Close était statisticien du Weather Bureau, et, selon Facts of science, new and ancient knowledge. il aurait Président de la Tacoma Academy of Science à Washington. Il a déménagé de Tacoma, où il était encore établi en mai 1895, à Oakland, en Californie. 

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Selon une notice biographique proposée par Zapato Prodcutions Intradimensional, "F.M. Close a écrit pour le San Francisco Call de nombreux articles sur la science et la technologie, éduquant ses lecteurs sur divers sujets tels que les nouveaux développements dans l'éclairage électrique, la télégraphie sans fil, l'enregistrement téléphonique, la notation musicale et les bombes longue distance, de nouvelles sources d'énergie provenant de l'hydrogène, de l'énergie géothermique et des moteurs vibrants à rayons X ; les théories sur la nature des rayons X et la seconde lune invisible de la Terre ; les étranges possibilités de la photographie mentale et de prolonger indéfiniment la vie avec des décharges électriques. Il a aussi écrit des ruminations sur la folie de la critique architecturale lorsque la solidité des objets est une illusion, sur la localisation du siège de l'intelligence chez l'homme et le phénomène de la vie lui-même (il conclut que l'âme est androgyne et qu'il n'y a donc pas de mariages au ciel) .

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En plus d'écrire en tant que correspondant scientifique, il a également fait l'objet d'articles sur son travail et ses théories, et a été cité comme une autorité dans d'autres. Les exemples incluent sa carte de Mars -- la plus précise à l'époque, montrant tous les canaux et mers (évaporés depuis) ​​-- et son plan pour une ligne de tuyau sous-marin pneumatique entre San Francisco et Oakland, avec un plan de suivi pour un Trans -Chariot Atlantique.

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Ses recherches sur les catastrophes naturelles et leur coïncidence avec des événements astronomiques ont été citées et discutées dans le San Francisco Call, à commencer par sa prédiction de tremblements de terre de 1895 (et peut-être une autre inondation de style noachien) en 1901 résultant d'un alignement des planètes (et de la effets électromagnétiques produits) similaires à ceux rapportés dans les anciennes tablettes babyloniennes. Cette prédiction a été soutenue par le spécialiste de la Bible, le révérend J.H. Allen et contredite dans les lettres au rédacteur en chef. Plus tard, il a élaboré cette théorie de l'alignement planétaire des catastrophes, soulignant la coïncidence des tremblements de terre japonais et des averses météoriques, et l'a également liée aux comètes et aux tornades. Cela a abouti à un article où il invente la loi des cycles ou la «loi des troubles» cycliques.

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En 1896, le Dr. Close a inventé et construit une torpille sous-marine électrique de 30 pieds en aluminium appelée Defender. Il était destiné à la défense du port et pouvait être contrôlé par câble depuis le confort d'un bureau à terre. Par conséquent, il devint administrateur, avec ses bailleurs de fonds capitalistes, de la Pacific Torpedo and Supply Company, nouvellement constituée pour la protection de la région de la baie de San Francisco. Il a vanté son concept d'une torpille intelligente pour appeler les lecteurs (sans noter son propre intérêt financier) et a écrit à la Chambre de commerce de San Francisco pour demander de l'aide, mais a été "informé par le comité sur les améliorations portuaires que les torpilles sous-marines ne font pas partie des méthodes par lesquelles la chambre essaie de protéger le commerce de cette ville."

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A ce portrait ont peut ajouter que le Dr. Close était lié au mouvement théosophique et donnait des conférences sur celui-ci (The Theosophical Forum, vol; 1, 1896, p. 141).

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San Franciosco Call, 27 mars 1896.

Un appel aux capitalistes pour développer un instrument de vision à distance

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La première trace des "travaux" de F.M. Close, sur la vision à distance est un appel aux investisseurs qu'il a adressée au rédacteur en chef du New York Sun, publiée le 24 mai 1895 et que l'on retrouve dans The Atlanta Constitution (Géorgie) et dans Fort Wayne Weekly Sentinel (Indiana), le 27 mai 1895 et plusieurs journaux régionaux dans les jours suivants. . Close est  alors établi à Tacoma, près de Washington. Il indique que son invention est comparable à celle du téléphone et dépend des "propriétés magnétiques" de la lumière, "contrôlables par l'exposition à l'électricité". Il prétend que son invention est différente de celles qui ont déjà été proposées et qu'elle ne dépend pas du courant alternatif ou du courant séparé. Il indique qu'elle est tellement simple qu'il est étonnant que personne ny ait encore pensé ! 

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L'appel aux investisseurs de Frank M. Close ,

The New York Sun, 24 mai 1895

Un télectroscope basé sur les propriétés des "rayons magnétiques"

 

Un long article apparait dans le San Francisco Call du 27 mars 1896. L'appareil, présenté comme "construit", est nommé, sans grande originalité "télescope électrique" ou télectroscope. Le journal néglige bien entendu d'indiquer que ces termes sont en circulation depuis près de vingt ans... L'appareil serait cette fois basé sur les propriétés des rayons X, sur lesquels Rötgen communique depuis le 25 décembre 1895. Close devance ainsi de plusieurs mois son compatriote Robert D'Unger qui proposera un téléphote recourant aux rayons X dans un article du Chicago Tribune, le 29 novembre 1896. 

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Close prétend avoir découvert une propriété de lumière qu'il appelle le rayon thermique. Aucune des sept couleurs n'a d'effet sur un thermomètre, mais à une certaine distance au-delà du rayon rouge, le mercure s'est élevé très rapidement. Il passa alors une aiguille aimantée le long du spectre et trouva à une certaine distance au-delà du rayon violet un rayon électrique ou une division électrique du rayon lumineux.

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Schéma du télectroscope de F.M. Close, San Franciosco Call, 27 mars 1896.

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"To See Around The Earth Some Day", San Francisco Call, 27 March 1896

Dans son apparence actuelle, précise le journal, l'appareil n'est "rien de plus que deux boîtes de cigares connectées par un câble de dix pieds de long, l'une étant appelée par l'inventeur un émetteur et l'autre un récepteur". L'originalité de la proposition de Close est de placer une plaque de tourmaline ou Spath d'Islande (Iceland spar) devant le récepteur. L'observateur peut alors voir la lumière d'une chandelle placée dans une pièce voisine. Les propriétés de réfraction du Spath d'Islande étaient bien connue des électriciens professionnels et citées dans les ouvrages de référence. (Voir par exemple Light and electricity: de Tyndall, 1890, p.102). Close prétend ne pas faire de revendication de sa découverte, si ce n'est de l'hypothèse que les rayons-X offrent des possibilités encore non explorées. 

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Plaques de Spath d'Islande (calcite optique)

La proposition de Close sera reprise pendant quelques mois dans différents journaux régionaux américains, notamment dans un article "The Field of Electricity" du Omaha Daily Dee., 19 avril 1896 dans laquelle elle est intégrée comme une etension du pouvoir de l'oeil". ("Extending the Power of the Eye")

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 D'autres articles paraissent le même jour

 

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L'Associated Press câble la nouvelle qui est alors reprise par d'autres journaux:

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Le 6 août 1896, The Fouth Estate, publication s'adressant aux professionnels de la presse, publie un bref article "Sending Picture by Wire" sur le téléctroscope de Close. Le sous-titre "A Perplexing Problem claiming to have been solved" indique un certain scepticisme. 

 

Le New York Herald, 26 July 1896 publie un long article (largement reproduit in "Gives a view of Miles Away", Pittsburgh Daily Post, 17 August 1896 et in  "The World of Thought", The Metaphysical Magazine, July 1896, pp. 232-235)  dans lequel Close développe ses théories. En faisant référence au photophone de Graham Bell, Close explique que "les relations entre lumière, chaleur, son et électricté sont si intimes qu'il est relativement simple de les convertir de l'un à l'autre et retour". L'article mentionne également qu'un  savant suédois travaille sur un appareil similaire. Ce savant n'est pas identifié et on peut se demander si il n'est pas inventé comme simple faire-valoir. 

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Après la parution de l'article détaillé dans le New York Herald, la nouvelle continue à circuler dans la presse régionale et même au Mexique et est à présent sourcée comme en provenance de New York. 

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L'invention de Close est cependant contestée : 

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  • Garrett Putman Serviss, célèbre pour son activité de vulgarisateur en matière d'astronomie publie un long article "X-Rays Up in the Skies" (The Morning News, 4 May 1896)  souligne l'intérêt de la proposition de Close, mais attend de voir les résultats de l'application pour décider si elle pourra être utile pour l'observation astronomique.

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  • La brève notice "Wonders of Efectricity", Electrical Engineer, 31 July 1896, p.113 est une des rares parue dans la presse professionnelle. Elle se termine par une phrase ironique : "Si nous écrivons cette note, c'est uniquement pour que nos lecteurs sachent de quoi il s'agit quand on parle de téléphone".

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  • A partir du 13 août, dans certains journaux, l'entrefilet relatif au téléctroscope de Close est suivi par un autre indiquant qu'un renommé savant suédois a fait une invention similaire. Le 22 octobre 1896, le San Francisco Call  sous le titre "Who is the inventor ?" rapporte la contestation d'un éminent physicien suédois, non nommé et celle d'un électricien amateur d'Alameda

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  • L'article "Transmission of Visible Pictures", Current History, Buffalo N.Y., 1896, p.714 signale que Charles B. Davis, chimiste à New York, prétend avoir fait une découverte similaire. Mais la soi-disant découverte de Davis n'est rien d'autre que la redécouverte, avec une vingtaine d'années de retard, des propriétés photosensibles du sélénium. 

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L'information semble s'éteindre dans la presse états-uniennes durant le mois de novembre 1896. On trouve cependant dans le Montreal Star du 8 janvier 1897 un article original (avec une gravure de Close devant son appareil) qui donne quelques éléments complémentaires  : Close explique que ce sont ses recherches en astronomie qui lui ont permis de découvrir une propriété particulière de la lumière, qu'il appelle le "rayon thermal" (thermal ray). 

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Quoi qu'il en soit, Frank. M. Close est déjà passé à autre chose : le 19 juillet 1896, il a publié dans The San Francisco Call un long article illustré proposant un chemin de fer dans un tunnel sous-marin pour traverser la baie et relier San Francisco avec Sacramento.

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San Francisco Call, 22 October 1896

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The Atchinson Daily Globe (Kansas), 13 August 1896

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El Mundo (Mexico), 16 Augusto 1896

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El Mundo, 16 Augusto 1896

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San Francisco Call, 26 July 1896

The Montreal Star, 8 January 1897

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Se basant sur une interprétation de tablettes astronomiques babyloniennes, Close prévoyait la fin du monde en décembre 1901, lorsque la disposition serait la même que celle du moment du Déluge. En janvier 1897, on  retrouve Frank M. Close abondamment cité dans la presse, associé au prédicateur britannique Beverly O. Kinnear, proposant une vision apocalyptique et millénariste du monde: une terrible guerre européenne avant la fin du mandat de McKinley, qui est destiné à être le dernier Président des Etats-Unis. Il prédit également le départ de Wall Street pour Jerusalem, mais son rôle sera achevé.  Ces prédictions seront citées durant toute l'année 1897 à travers les Etats-Unis, après quoi on perd la trace de l'"inventeur".

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Il va de soi que Frank M. Close n'est cité par aucun des historiens de l'invention de la télévision. Seul le fait qu'il ait tenu la vedette dans la presse américaine pendant un an - en l'attente du phénomène international Szczepanik qui va marquer l'année 1898, mérite qu'il figure dans notre récit.  

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André Lange

6 avril 2023

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