Nikola Tesla, la transmission sans fil des signaux, la transmission de la vue et la photographie de la pensée.
Deseret News, 22 September 1933
Illustration de l'article de The World, 9 September 1896. (voir ci-dessous)
L'inventeur croate, d'origine serbe, Nikola Tesla (1856-1943), qui, aux Etats-Unis est un personnage aussi mythique que son rival Thomas A. Edison, est surtout connu pour ses contributions sur l'énergie électrique, sur le courant alternatif et pour son moteur asynchrone. Il a fait l'objet de plus d'une vingtaine de biographies, de qualité très inégale. Les plus détaillées sont celles de Seifer (1995, 2022) et de Carlson (2013).
Nous ne chercherons pas ici à dresser un bilan complet de l'apport de Tesla au développement de la connaissance de l'électricité et de ses technologies, mais nous essayerons de retracer sa contribution à l'histoire de la vision à distance et à la télégraphie sans fil. En 1933 Tesla revendiquait d'avoir exposé un "système de télévision", mais aucun des principaux historiens des développements techniques de la télévision ne cite son nom.
Par ailleurs, rares sont les biographes de Tesla qui mentionnent ses réflexions sur la vision à distance. Cependant, un des principaux biographes de Tezsla, Bernard W. Carlson, écrit en 2013 "Ses inventions, brevets et travaux théoriques ont constitué la base de l'électricité AC moderne et ont contribué au développement de la radio et de la télévision." En 2003, William H. Terbo, Executive Secretary de la Telsa Memorial Society Inc. écrivait de manière plus emphatique :"La radio, la télévision et la production, la distribution et l'utilisation modernes de l'énergie ne sont que les technologies les plus connues révolutionnées par sa créativité scientifique"
Les contributions au développement de la T.S.F., dans la foulée des découvertes de Hertz, sont aujourd'hui moins connues que celles de Guglielmo Marconi, Oliver Lodge ou Ferdinand Braun. Elles continuent cependant à diviser les historiens. En faisant, en décembre 1901, la démonstration de la transmission transatlantiques de signaux radiode signaux, Marconi a définitivement gagné la partie aux yeux des investisseurs, de la presse et de la mémoire historique par rapport à Tesla, qui avait annoncé un tel projet dès 1891. L'alliance de deux inventeurs qui ont concrétisés l'essentiel de leurs projets (Edison et Marconi) contre l'inventeur théoricien et rêveur qu'était Nikola Tesla a conduit à une hégémonie narrative qu'ont contestée les défenseurs du promoteur du courant alternatif. Le fait que celui-ci ait présenté son projet comme une libération par rapport au monopole de l'industrie du câble sous-marin et des distributeurs d'électricité a fait de lui, un peu comme c'est le cas de Philo T.Farnsworth en ce qui concerne la télévision élecronique, une icône de l'inventeur dont la démarche est entravée par les intérêts des puissances capitalistes.
Face à la place dominante de Marconi dans l'historiographie de la radio, le Nikola Tesla Museum de Belgrade, quelques historiens et divers sites consacrés à l'inventeur cherchent à mieux faire connaître et reconnaître cette contribution et à rétablir la priorité de Tesla dans l'invention de la radio (Voir notamment Anderson, 2002 ; Aleksandar Marinčić et al. 2006 ; Zorica Civrié Flores 2016). Les défenseurs de Tesla mettent en avant le fait qu'il a formulé avant Marconi la conception d'une circulation mondiale des signaux, que Marconi, dans ses expériences, a utilisé des brevets de Tesla et qu'en 1943, la Cour fédérale des Etats-Unis a annulé un des principaux brevets de Marconi.
Cette défense de Tesla a été notamment battue en brèche par Eric Wenaas, au terme d'une analyse polémique, mais qui nous paraît sérieusement documentée et argumentée (Wenaas, 2019). Il argumente que les défenseurs de Tesla, qui veulent en faire le principal inventeur de la radio, jouent d'une confusion entre radio et télégraphie sans fil. La proposition de Tesla est effectivement une proposition de télégraphie sans fil, mais qui ne relève pas de le radio, en tant qu'elle n'est pas basée sur une exploitation des ondes électromagnétiques telles que découvertes par Heinrich Herz, ce qu'avait acté la Cour fédérale dans son expertise, mais découle de sa théorie d ela possibilité de transmettre l'énergie à travers la terre. Wanaas montre par ailleurs que la décision de la Cour portait sur un seul brevet de Marconi et non sur le principal d'entre eux. Il montre aussi que le recours par Marconi à des brevets et des appareils de Tesla est marginal.
L'intérêt de Tesla pour la vision à distance.
La contribution de Tesla à l'histoire de la télévision est beaucoup plus ténue et discutable. C'est pourtant un paradoxe. Les autres grands inventeurs (Graham Bell, Thomas A. Edison et Guglielmo Marconi), sans en dénier la pertinence, n'ont jamais déclaré d'intention affirmée de résoudre le problème de la vision à distance par l'électricité. Tesla, quant à lui, a affirmé un véritable intérêt, voire une passion pour le sujet. Pourtant sa réflexion reste ignorée par les, historiens classiques de la télévision (Shiers, Abramson, Burns). Ce sont les archéologues des médias qui ont redécouvert l'intérêt de Tesla pour la "transmission de la vue" : en 2015, dans Cosa Mentale, sa recherche sur l'histoire de la télépathie et ses rapports avec l'art, Pascal Rousseau a retrouvé une interview de l'inventeur sur la "photographie de la pensée", dans lequel celui-ci indiquait que ses travaux sur la question remontaient à 1893. Doron Galili (2020) a mentionné, sans plus de précisions, que la rumeur publique avait attribué à Tesla l'invention d'un système de télévision.
En explorant les archives numérisées de la presse américaine et européenne, il est possible de retrouver les déclarations de l'inventeur sur cette question et de les replacer dans leur contexte historique.
La transmission sans fil de l'énergie électrique et ses implications pour la transmission des signaux
Le concept de transmission sans fil de l'énergie a été proposé par Tesla lors de la célèbre conférence donnée le 20 mai 1891 à l'American Institute of Electrical Engineers de New York. Dans cette conférence, il défend la théorie selon laquelle il est possible de transmettre des courants à travers la terre. L’énergie électrique libre fournie par la nature implique que n’importe qui dans le monde peut y puiser, à condition de s’équiper du dispositif électrique adapté, accordé à la transmission d’ énergie. "Avant longtemps, nos machines seront alimentées par une énergie disponible en tout point de l'univers. L'idée n'est pas nouvelle. Nous la trouvons dans le mythe d'Anthée, qui tire l'énergie de la Terre. A travers tout l'espace se trouve de l'énergie. Cette énergie est-elle statique ou cinétique ? Si elle est statique, nos espoirs sont vains; si elle est cinétique, et nous savons qu'elle l'est, les hommes réussiront bientôt à connecter leurs machines aux grands rouages de la nature".
À la fin des conférences qu'il donne à Londres et à Paris en 1892 sur le courant alternatif, Tesla est revenu à nouveau à la transmission sans fil et s'est demandé pourquoi, avec les connaissances existantes et l'expérience acquise, aucune tentative n'est en cours fait pour perturber l’état électrostatique ou magnétique de la terre, pour «transmettre, à tout le moins, l'intelligence » :
"Si un fil était doté d’un écran électrostatique parfait, ce serait comme si tous les objets en étaient éloignés à une distance infinie. La capacité serait alors réduite à la capacité du fil lui-même, qui serait très faible. Il serait alors possible d'envoyer à travers le fil des vibrations de très hautes fréquences à des distances énormes sans affecter grandement le caractère des vibrations. Un écran parfait est bien sûr hors de question, mais je crois qu'avec un écran tel que celui que je viens de décrire, la téléphonie pourrait devenir praticable à travers l'Atlantique. Selon mes idées, le fil recouvert de guttapercha devrait être pourvu d'un troisième revêtement conducteur subdivisé en sections. Au-dessus de cela, il faut à nouveau placer une couche de gutta-percha et autre isolant, et sur le dessus de l'ensemble l'armure. Mais de tels câbles ne seront pas construits, car avant longtemps l'intelligence – transmise sans fil – palpitera à travers la terre comme une impulsion dans un organisme vivant. Ce qui est étonnant, c'est qu'avec l'état actuel des connaissances et des expériences acquises, aucune tentative n'est faite pour perturber l'état électrostatique ou magnétique de la Terre et transmettre, au moins, l'intelligence."
Dans sa troisième conférence « Sur la lumière et autres phénomènes à haute fréquence » devant le Franklin Institute de Philadelphie, en février 1893 l'inventeur présente sa conception de la transmission internationale des signaux, à un moment où Marconi n'est pas encore entré en scène.
Dans la partie introductive de cette conférence,. Tesla exprimait son admiration pour l'œil, l'organe qui est «le plus précieux, le plus indispensable de nos organes perceptifs ou directifs, il est la grande porte d'entrée par lequel toute connaissance entre dans l'esprit. De tous nos organes, c'est celui qui est en relation la plus intime, ce qu'on dit souvent, c'est l'âme même qui le montre. lui-même dans les yeux.»
Développant davantage ses idées sur la transmission de l'énergie, Tesla présentait ses nombreuses expériences de «transmission monofilaire ». Vers la borne supérieure de son générateur, Tesla connectait diverses bobines couplées à des lampes à incandescence, moteurs à haute fréquences entraînés par un seul fil sans retour. Décrivant plusieurs expériences avec des effets de résonance il déclara :
"En relation avec les effets de résonance et le problème de la transmission des énergie sur un seul conducteur qui a été envisagé précédemment, je dirais un quelques mots sur un sujet qui occupe constamment mes pensées et qui concerne le bien-être de tous. Je veux dire la transmission de signaux intelligibles ou peut-être même puissance à n'importe quelle distance sans utiliser de fils... Je suis de plus en plus convaincu de la faisabilité du projet. (...) L'idée de transmettre l'intelligence sans fil est le résultat naturel des résultats les plus récents des recherches électriques."
L'idée d'une rétine artificielle et de la photographie de la pensée
L'importance accordée à l'oeil dans l'ouverture de la conférence de Philladelphie confirme que c'est bien à partir de 1893 que Tesla s'est intéressé à la vision, comme il re tappelera dans sa déclaration en 1933 au Deseret News :
"En 1893, alors que j'étais engagé dans certaines recherches, j'ai été convaincu qu'une image définie dans la pensée devait, par une action reflex, produire une image correspondante sur la rétine, qui pourrait peut-être être lue sur un appareil adapté. Cela m'a conduit à mon sytème de télévision, que j'ai annoncé à l'époque. Mon idée était d'employer une rétine artificielle recevant l'image de l'objet qui est vu, un "nerf optique" et un autre tel que la rétine à l'endroit de la reproduction. Les deux rétines devaient être construites quelque peu à la manière d'un damier avec de nombreuses petites sections, et l'ainsi nommé nerf optique n'était rien d'autre qu'une partie de la terre".
L'idée d'une rétine artificielle n'est pas vraiment neuve : on la trouve déjà en 1753 dans les Observations sur la peinture et sur les tableaux anciens et modernes de Jacques Fabien Gautier d'Agoty. En 1839, le physicien Jean-Baptiste Biot, présentant avec Arago l’invention de Daguerre et Niépce à l’Académie des Sciences, le compara la photographie à « une rétine artificielle mise par M. Daguerre à la disposition des physiciens ». En 1876, l'oeil électrique au sélénium des frères Siemens, qui incluait une rétine artificielle, a été à l'origine des premières hypothèses de transmission des images. La notion de rétine artificielle était également utilisée dans nombre de propositions de physiologies ou encore par Camille Flammarion pour décrire un vaste projet de photographie astronomique. En 1890, une rétine artificielle avait été proposée par M. Lion pour répondre aux besoins de la photométrie.
Si l'idée n'est pas neuve, Tesla lui donne une ambition particulière : la lecture des pensées et la possibilité de les photographier.
"On peut considérer comme un fait, qu'implique la théorie de l'action de l'œil, que pour chaque impression extérieure, c'est-à-dire pour chaque image produite sur la rétine, les extrémités des nerfs visuels concernés par la transmission de l'impression pour l'esprit, doit être soumis à un stress particulier ou dans un état vibratoire. Il ne semble pas improbable que, lorsque par le pouvoir de la pensée une image est évoquée, une action réflexe distincte, aussi faible soit-elle, s'exerce sur certaines fins de l'individu. les nerfs visuels, et donc sur la rétine. Sera-t-il un jour à la portée de l'homme d'analyser l'état de la rétine, lorsqu'elle est perturbée par une pensée ou une action réflexe, à l'aide de quelque moyen optique ou autre sensibilité qu'une idée claire de son état pourrait être obtenue à tout moment ? Si cela était possible, alors le problème de lire ses pensées avec précision, comme les personnages d'un livre ouvert, cela pourrait être beaucoup plus facile à résoudre que de nombreux problèmes appartenant au domaine de la science physique positive, dans la solution de laquelle beaucoup, sinon la majorité, des hommes scientifiques implicitement croient. Helmholtz a montré que le fond des yeux est lui-même lumineux, et il était capable. voir dans l'obscurité totale le mouvement de son bras par la lumière de ses propres yeux. C'est l'une des plus remarquables expériences enregistrées dans l’histoire des sciences, et probablement seuls quelques hommes pourraient le répéter de manière satisfaisante, car il est très probable que la luminosité des yeux soit associé à une activité inhabituelle du cerveau et à une grande puissance imaginative. C'est la fluorescence du cerveau"
La photographie des pensées n'était pas non plus tout à fait une idée tout à fait nouvelle. Comme le signale Pascal Rousseau, dans Cosa Mentale (2015), la photographie de la pensée avait eu son heure de gloire dans les milieux spirites français dans les années 1870. Mais ce que Rousseau ne montre pas c'est que la proposition matérialiste de Tesla, dans sa conférence de février 1893 devance la plupart des promoteurs photographes "animistes" de la pensée, qui se manifestent essentiellement en 1896 (Ingles Rogers, Dr Baraduc, Darget). Dans son livre La force vitale : notre corps vital fluidique, sa formule biométrique, paru en mai 1893, le Dr.Barraduc évoquait la "vision subjective" dans les hallucinations, par lesquelles les visions de l'esprit "arrivent à se peindre sur les couches matérielles et sensitives de la rétine". "L'esprit voit avant l'oeil" concluait-il dans une conception assez similaire à celle de Tesla. Mais il ne propose pas encore de "photographier l'esprit".
Les expériences sur la fluorescence
Dans une déclaration au journal new yorkais The World, publiée le 22 juillet 1894, Tesla déclare
"Concernant la transmission de messages à travers la terre, je n'ai aucune hésitation à prédire le succès. Je dois d'abord déterminer exactement combien de vivrations à la seconde sont causées en dérangeant la masse d'électrcité que contient la terre. Ma machine de transmission doit vibrer autant de fois que nécessaire pour se mettre en accord avec l'électricité de la terre".
La préparation de son appareil de transmission sera brutalemment interrompue par l'incendie de son laboratoire le 13 mars 1895, qui a détruit l'ensemble de son matériel et de ses travaux.
Entre le 15 octobre 1895 et le 31 janvier 1896, différents journaux publient un portrait de lui qui se termine par la phrase "His latest discovery, that of taking pictures by wire, has estonished even Edison". Nous ne connaissons pas l'origine de cette rumeur La base newspaper.com permet d'identifier 62 occurrences dans la presse, quasi uniquement dans le Midle West, mais pas sur la East Coast.(Fort Wayne Weekly Gazette, 15 October 1895 ; Western Newspaper Union, 19 October 1895, etc.).
Il est possible que cette rumeur ait pris naissance à partir de l'article de Thomas Commerford Martin, "Tesla’s Oscillator and Other Inventions", Century Illustrated Magazine, New York, April 1895, qui rendait notamment compte, photographies de l'inventeur et de Mark Twain à l'appui, des expériences sur la lumière phosporescente.
La rumeur était évidemment sans fondement, mais avait sa part de vérité : Tesla réfléchissait aux possibilités de transmission de la vue. Il est curieux que nombre de travaux sur Tesla ne mentionnent pas les différents articles parus dans la presse à ce sujet en 1896 et dans lesquels l'inventeur explicite sa conception.
L'interview du New York Herald Tribune (30 août 1896)
En août 1896, alors que les prétendues inventions de téléphotes par Frank M. Close et Charles B. Davis défraient la chronique aux Etats-Unis, Tesla est interrogé par le journal new yorkais The New York Herald sur les possibilités de vision à distance. ("Nikola Tesla On Far Seeing,The Inventor Talks Interestingly on the Transmission of Sight by Wire", August 1896). Les contributions suivantes (déclarations au journal new yorkais The World (6 septembre 1896), dans le St Louis Dispatch (7 et 13 septembre 1896), le témoignage de S. Multington Miller (septembre 1896) et l'interview dans le Harper's Magazine, mai 1899) confirment cet intérêt.
Le journaliste du New York Herald utilise pour introduire la discussion la formule originale "seeing beyond the limits of sight" ("voir au-delà des limites de la vue"). Cette expression provient probablement du contexte de la découverte des rayons-X (annoncée en décembre 1895 par Rötgen et qui se répand aux Etats-Unis dès le début de janvier 1896) et qui sera d'ailleurs évoquée en fin d'interview. Elle se rapproche également de la formule "seeing beyond the limits of human vision" qui avit été utilisée en 1885 dans un article du New York Sun, sur la télépathie, beaucoup reproduit à l'époque. Curieusement, le journaliste utilise également l'expression "photography by electricity" qui à l'époque est généralement utilisée pour désigner le recours à l'éclairage électrique dans la prise de vue et non pour la transmission électrique de photographies.
D'emblée Tesla fait une distinction entre la transmission d'images ou de couleurs par fil, une opération "relativement facile", avec la transmission de la vue par fil ou par d'autres moyens. Il indique que l'idée de transmettre des images à distance est née des travaux de Graham Bell sur le téléphone et le photophone, et que les découvertes de Hertz sur les ondes magnétiques ouvrent de nouvelles perspectives.
Tesla indique cependant qu'il n'a encore identifié aucune idée ou expérimentation qui auraient des chances de succès. "Les difficultés à surmonter sont énormes et la réalisation encore très très loin". Il considère qu'il est lui-même, malgré tous ses travaux, très loin de pouvoir démontrer des expériences positives sur la vue à distance. A défaut, il disserte sur l'importance de la prudence méthodologique dans l'établissement de certitudes. Il se refuse à expliquer son schéma, en précisant que ce n'est pas une question de brevet, mais plutôt pour éviter de propager des erreurs.
Après ces précautions méthodologiques, Tesla invite son interlocuteur à considérer la beauté de la contemplation visuelle des panoramas naturels, des réalisations architecturales, de la peinture. La réelle difficulté n'est pas la transmission des couleurs, mais la transmission des formes. "La chose la plus merveilleuse au sujet de l'oeil est sa capacité à transférer à l'esprit l'idée de l'extension tridimensionnelle". Le problème pour transmettre des formes est de reconnaître la nécessité de centaines, de milliers ou plus de canaux de transmission, chacun indépendants, chacun capables de transmettre des impressions de n'importe quelle intensité.
Quelle que soit la difficulté de transmettre la vue à distance, Tesla indique qu'il a imaginé pendant des années de fournir un immeuble avec un système de tuyaux contenants des miroirs permettant aux personnes de se voir aux deux extrémités. La perte d'intensité dans les réflexions successives pourrait être compensées par des lumières additionnelles en provenance d'autres sources. Tesla pense qu'un tel projet est entièrement réalisable.
En ce qui concerne les rayons X, Tesla ne pense pas qu'ils puissent constituer une solution pour le problème posé, hypothèse qu'Edison avait envisagée en février de la même année. De même il ne pense pas que la solution soit la conversion des ondes lumineuses dans des ondes plus longues, hypothèse que l'on trouvera encore formulée par Constantin Perskyi dans sa communication au Congrès d'électricité de Paris.
Cet interview dans le New York Herald a été reproduit le 6 septembre dans The Atlanta Constitution.
Les articles du New York World (6 septembre 1896) et St Louis Dispatch (7 et 13 septembre 1896)
Une semaine plus tard, the New York World et the St Louis Dispatch, deux journaux appartenant à Joseph Pulitzer, publient de nouveaux articles qui, de toute évidence, ne sont pas une réécriture de l'article du Herald mais contiennent des éléments complémentaires.
Les propos sont plus optimistes : "Etant donné un émetteur, un récepteur et le même moyen de transmission que celui auquel le nerf optique est sensible, et nous pourrons voir nos amis à l'autre bout du monde. St Louis pourrait voir la vie d'une rue de New York. A Londres, ils pourront regarder les foules de Broadway, New York." Tesla récuse les termes de photographie télégraphique (telegraphic photography), que l'on trouve en anglais dès 1876 dans la traduction du livre de Gaston Tissandier Les merveilles de la photographie, 1874). Il prétend travailler sur la question de la transmission de la vue depuis trois ans, mais confirme qu'il nr peut encore tirer les conclusions de ses travaux.
Il se démarque des discours habituels en parlant de "transmission de la vue" et non de "transmission d'images" ou de "transmissions de photographies, problème qu'il considère résolu par le télautographe d'Elisha Gray. Il affirme que c'est en étudiant le mécanisme de l'oeil que l'on pourra trouver une solution. Un schéma "merveilleux" illustre son propos. Il imagine que l'on pourra capter et transmettre les images de la rétine. Tesla se dit convaincu que l'on pourra voir à New York des amis de Londres et suggère que l'on pourra enregistrer les images avec un appareil moins mécanique que le kinetoscope. Il reconnaît n'avoir aucune démonstration concrète à faire à ce moment. Mais "la découverte, une fois qu'elle sera perfectionnée "permettra d'annihiler l'espace et l'obscurité"
Les articles sont accompagnés par un schéma sur lequel on voit les rayons du medium portant l'image (image-bearing medium) transportant chaque point du cube de manière suffisament grande pour être sensible à l'esprit humain dans le canal approprié ou le récepteur sur la rétin,e de l'oeil.
Chaque ligne séparée communique avec un point plus haut ou plus bas, plus proche ou plus éloigné, plus sur la droite ou sur la gauche du centre qu'un autre point, chacune porte sa parcelle de l'ensemble de l'image dans un canal du nerf optique, et l'ensemble du lot représente ainsi la hauteur, largeur et épaisseur du corps solide, en d'autre mots ses trois dimensions.
Tesla propose de faire ce que l'oeil, fait, tel que représenté dans le schéma. La grande difficulté est d'assurer un nombre indéterminé de canaux indépendants entre les instruments correctement construits de transmission et de réception et ensuite d'utiliser le medium auquel le nerf optique est sensioble pour transporter l'image de ce qui est dans le champ de la vision. C'est sur quoi il déclare travailler.
Tesla imagine également que si les images peuvent être transmises, il sera possible de les enregistrer, non pas seulement par les moyens mécaniques limités du kinetoscope d'Edison, mais avec un instrument qui fournit la même relation à la vue que celle que le phonographe fournit au son. Le présent pourra être stocké et revivifié à loisir lorsqu'il sera devenu passé.
Tesla dans son studio,
Decatur Daily Republicanb, 2 May 1896
"Nicola Tesla on Far Seeing. The Inventor Talks Intertingly on the Transmission of Sight by Wire", New York Herald, 30 August 1896
Recueils de textes de Nicola Tesla ou sur Nikola Tesla
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WINCHELL, M., The Electric War Edison, Tesla, Westinghouse, And The Race To Light The World, Henry Holt, 2019.
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YOUNT L., Nikola Tesla, Harnessing Electricity, Chelsea, 2012
Websites
Brevets
Citations dans les ouvrages relatifs à l'histoire de la téléphotographie et de la télévision
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Arthur KORN und Bruno GLATZEL, Handbuch der Telephotographie und Teleautographie, Otto Nemnich Verlag, 1911
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Velimir DEJANOVIC, "Prilogprou avanju istorije televisie u Srbiji", COBISS. Приступљено 2022
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Doran GALILI Seeing by Electricity, Duke University Press, 2020.
St Louis Dispatch, 13 September 1896
L'article du New York World, 6 September 1896 avec une coqiuille dans le titre. Il est bien question dans l'article de "Transmission of Sight" et non de "Transmission of Light"
The World, 22 July 1894
Mark Twain dans le laboratoire de Tesla
Apppreil de télégraphie sans fil de Tesla, Pearson's Maagazine, May 1899
Répartition géographique de la publication du portrait de Nicola Tesla affirmant qu'il a étonné Edison en prenant des photos par fils (entre le 15 octobre 1895 et le 31 janvier 1896). Source : newspaper.com
Nikola Tesla dans son atelier de Colorado Springs, Décembre 1899 (Source : Wikimedia)
The World, 22 July 1894
St Louis Dispatch, 7 September 1896
Illustration de l'article de The World, 9 September 1896. (voir ci-dessous)
The Wichita Beacon, 13 August 1922
Le témoignage de S. Millington Miller (20 septembre 1896)
Dans un article "Mysteries and Possibilities of Electricity" paru le 20 septembre 1896 dans The Philadelphia Enquirer, le physiologiste S. Millington Miller, un polygraphe, conférencier, vulgarisateur scientifique, rapporte avoir eu un entretien "quelques jours auparavant" avec Tesla. Celui-ci ,lui airait déclaré qu'il pensait que le problème de la transmission des images à distance ne serait possible que lorsqu'on disposerait d'un nerf optique à extension infinie. Millington Miller, jugeant la perspective lointaine, préfère présenter l'esquisse d'un téléphote avec tube cathodique de l'électricien inventeur de Baltimore, Elias E. Ries.
L'interview du Weekly Plain Dealer (25 septembre 1896)
Le Weekly Plain Dealer, principal quotidien de Cleveland, publie à son tour le 25 septembre 1896 une interview de Tesla concernant la vision à distance "Nicolas Tesla on Far seeing". Comme dans les interviews précédentes, Tesla se montre réticent à proposer une solution au problème de la vision à distance, non pour une question de brevet, mais pour éviter de mettre en circulation des idées fausses qui peuvent orienter les jeunes chercheurs dans des directions erronnées. Peut-être est ce là une autocritique suite à ses déclarations précédentes. Il se contente d'indiquer un moyen très primitif auquel il a pensé : "(...)J'ai cru pendant de nomnreuses années qu'il serait possible d'équiper un système de tuyaux, et avec des miroirs placé à l'intérieur de ceux-ci, pour permettre à des personnes de se voir dans des paries éloignées de cet immeuble. Il pourrait même être possible d'assister de cette manière à un specaclke sur scène, et pour de nombreux objectifs pratiques, un tel résultat pourrait avoir une valeur permanente. Si les miroirs étaient placés dans un tuyau la transmission ne serait pas effectuée par une distance considérable à cause de la perte dans les réflexions successives, mais j'ai résolu cela en fournissant une lumière aditionnelle d'une autre source, et, sur une petite distance, je pense le projet tout và fait réalisable".
Comme le remarque le biographe "Cette interview, cependant, est bien plus intéressante par ce qu’elle nous apprend sur le style cognitif de Tesla, et il a commencé par une discussion sur la façon dont un idéal – le principe fondamental d’une invention – a évolué dans son esprit".
Ces différents articles ne semblent pas avoir eu beaucoup d'échos direct, probablement parce que l'inventeur n'apporte pas de proposition concrète décisive. Les déclarations sur la transmission de la vue n'ont guère été citées en Europe. Nous ne les avons retrouvées que dans un journal britannique.The Newcastle Weekly Chronicle, 19 September 1896
Les expériences de télégraphie sans fil
Le 31 janvier 1897, alors que les expériences de Marconi commencent à attirer l'attention de la presse, Tesla annonce dans le New York Herald qu'il commence des expériences de télégraphie. Il obtient en Belgique, le 26 octobre 1897 le premier brevet de transmission d'énergie, qui citera pour l'opposer au système hertzien :
Il sera intéressant de comparer mon système tel que décrit pour la première fois dans un brevet belge de 1897 avec le système à ondes Hertz de cette période. Les différences significatives entre eux seront observées d’un seul coup d’œil. Le premier nous permet de transmettre économiquement de l’énergie à n’importe quelle distance et est d’une valeur inestimable ; ce dernier est capable d'un rayon de quelques kilomètres seulement et ne vaut rien. Dans le premier cas, il n'y a pas d'éclateurs et les actions sont énormément amplifiées par la résonance. Dans l'émetteur et le récepteur, les courants sont transformés et rendus plus efficaces et adaptés au fonctionnement de n'importe quel appareil souhaité. Correctement construit, mon système est à l'abri des interférences statiques et autres et la quantité d'énergie qui peut être transmise est des milliards de fois supérieure à celle du système hertzien qui n'a aucune de ces vertus, n'a jamais été utilisé avec succès et dont aucune trace ne peut être trouvée. maintenant. (The True Wirelles, 1919)
La concurrence avec Marconi devient de plus en plus évidente. Lorsque l'inventeur italien réussit, en mars 1899, une transmission au-dessus de la Manche, Tesla le félicite mais considère que l'italien n'a rien inventé et ne fait que décliner les découvertes des autres, en particulier celles d'Oliver Lodge ou les principes que lui-même avait énoncé en 1893. Il annonce qu'il pourra avec son système transmettre sur une distance plus grande : des Etats-Unis à l'Europe, soit trois mille miles. Il déclare également que son système est supérieur à celui de Marconi, trop soumis aux perturbations extérieures. (Chicago Tribune, 30 Mars 1899).
L'interview du Pearson's Magazine (1899) : "The New Wizzard of the West"
En mai 1899, Tesla donne une interview au Pearson's Magazine. Sous le titre "The New Wizard of the West", le journaliste Chauncey Montgomery McGovern n'hésite pas à introduire Telsa comme l'"homme exploitant les rayons du soleil, qui a découvert les moyens de transmettre le courant sans fil et la vision par téléphone". L'article évoque un appareil de "télégraphie visuel" qui permet "à un interlocuteur au téléphone de voir le visage de son ami et de critiquer la coupe de son nouveau costume ou de le conseiller sur que faire concernant les cernes sous ses yeux".
Tesla évoque des expériences dans lesquelles il aurait démontré que les ondes lumineuses peuvent être transmises par téléphone. "Tout ce dont nous avons besoin est l'invention d'un nouvel émetteur." Tesla indique avoir utilisé le sélenium, "substance extrêmement sensible", qu'il trouve "parfaitement satisfaisante". Le journaliste ne dit pas avoir vu l'appareil ni les résultats de son fonctionnement. En 1998, le biographe de Tesla, Marc J. Seifer, note que Tesla a précédé Arthur Korn de cinq ans dans l'utilisation du sélénium, ignorant que l'hypothèse est investiguée depuis 1878 par de nombreux inventeurs, souvent malheureux.
En mars 1900, The Century Magazine. publie un long article "The Problem of Increasing Human Energy", superbement illustré avec les photographies de décharges électriques que Tesla obtient en laboratoire avec son oscillateur. L'inventeur y expose ses différentes théories et expériences, y fait des considérations sur le fait qu'elles vont conduire à la paix entre les nations. Un chapitre est consacré à la transmission des signaux par la télégraphie sans fil terrestre, opposée à la télégraphie sans fil hertzienne telle que l'expérimente Marconi. Il réaffirme que "Les appareils hertziens, généralement utilisés par les expérimentateurs, qui produisent des oscillations d'une fréquence très élevée, ne permettent aucun réglage efficace, et de légères perturbations suffisent pour rendre impraticable un échange de messages." Il évoque la possibilité de transmettre des messages par delà l'Atlantique, mais aussi vers Mars et Venus. Cet article vaudra à l'inventeur des critiques et moqueries, notamment dans l'article "Science and Fiction" dans la revue Popular Science Monthly..
La station de Long Island
En novembre 1900, Tesla est arrivé à convaince le banquier et investisseur J.P. Morgan de financer la construction d'une tour émettrice sur l'île de Long Island, qui sera connue commme la Wardenclyffe Tower.
La construction de la tour prendra du retard, notamment en raison des réticences de J.P. Morgan à accepter la révision par Tesla de son projet, une fois connu les travaux et publications de Marconi.
Dans l'article de The Century, Tesla n'évoquait pas la transmission d'images, mais il est probable qu'il imaginait de pouvoir en transmettre. Dans le procès qui l'opposera en 1922 aux héritiers de George C. Boldt sur les dettes contractées pour l'acquisition du terrain, il tracera l'histoire de ses travaux, il indiquera qu'avec son oscillateur électrique, il avait "envisagé de faire transmettre des messages de presse, des cours de bourse, des photos pour la presse et ces reproductions de signatures, de chèques et tout, à travers le monde, mais..." (Supreme Court of the State of New York, 1922, p.179)
La victoire de Marconi (décembre 1901)
L'annonce par Marconi, le 14 décembre 1901, de la transmission réussie de signaux par delà l'Atlantique, entre Poldhu et Newfoundkand, constitue un sérieux revers pour Tesla, qui, à cette date, n'a même pas encore essayé de construire une station de réception en Europe. Comme le remarque le biographe de Marconi Marc Raboy, Tesla semblait n'avoir aucune idée de l'avance que Marconi avait prise sur lui et qu'il avait tellement confiance en lui qu'il n'avait pas hésité à, fournir des dérails sur son installation de Long Island à un proche de son concurrent italien, Cuthbert Hall. (Raboy, 2016, 172-173). Il n'assistera pas au banquet organisé le 13 janvier 1902 pour célébrer la réussite de Marconi mais il fera une déclaration au New York Herald pour féliciter son rival de ses résultats magnifiques "C'est un travailleur remarquable et un profond penseur".
Une de ses maigres consolations à ce moment aura probablement été la déclaration du pionnier allemand de la T.S.F., Adolf Slaby, selon qui Marconi n'avait fait que démontrer la théorie énoncée par Tesla dans son livre Inventions and Research, publié en 1894 (The New York Herald, European Edition, 24 March 1902). Il répondra néanmoins qu'il n'est pas d'accord avec Salby sur la transmission transtalantique de l'énergie et que la transmission de message sera beaucoup plus coûteuse que certains investisseurs ne l'imaginent The New York Herald, European Edition, 26 March 1902).
La réussite de Marconi marque cependant un tournant dans la crédibilité de Tesla. La multiplication de ses annonces réalisée commence à susciter les critiques de la presse et à décourager les investisseurs. Les problèmes financiers vont se multiplier et l'isolement de Tesla va devenir de plus en plus marqué jusqu'à sa mort.
Le 24 avril 1902, le New York Herald écrit : "M.Tesla fait de nombreuses revendications au sujet de son système, mais, jusqu'à présent, pour autant que nous sachions, aucun Américain n'a produit un système original et publiquement démontré capable d'envoyer un message sans fil. Ce fait devrait attirer l'attention qui ont une inclination à barbotter dans des entreprises présentée de manière tellement séduisante par la presse". L'article détaillé de Lawrence E. Hawkins, "Nikola Tesla, His Work and Unfulfilled Promises" dans The Electric Age, February 1903, est encore plus sévère et va jusqu'à remettre en cause la prioriré de Tesla pour certaines de ses propositions théoriques.
Comme le montre W.B. Collins, Tesla cherchera à convaincre J.P. Morgan de la supériorité de son modèle, de l'antériorité de ses découvertes et donc de la faiblesse des brevets de Marconi et lui fera entrevoir la possibilité, grâce à son "World Telegraphy System" d'un marché mondial lucratif de vente de récepteurs, ce qui, en 1902, était loin d'être évident. Il opposait cette stratégie d'un marché mondial de masse à la stratégie d'un marché élististe restreint que Marconi développait autour des transmissions télégraphiques de compétitions nautiques. Il proposa à Morgan différents types de récepteurs, correspondant à différents segments de marchés: une imprimante qui produirait un journal pour les clients à la maison, et ce faisant, son système télégraphique mondial «supprimerait non seulement les câbles mais aussi les journaux, car comment les journaux actuels pourraient-ils continuer à exister quand tout le monde pourrait avoir une machine bon marché qui imprime ses propres informations?".
La Long Island Tower sera finalement détruite par l'armée américaine en 1917, car celle-ci suspectait qu'elle était utilisée par les Allemands pour des opétararions d'(espionnage.
L'hommage à Arthur Korn (1915) et à Edouard Belin (1920)
Tesla, qui avait imaginé que son système de télégraphie mondial pourrait aussi transmettre des images, s'est intéressé aux progrès rapides de la phototélégraphie durant bles deux premières décennies du XXe siècle.
Dans un article publié par le New York Times le 1er octobre 1915, Tesla revient sur son projet de téléphonie, mondiale et rend hommage à Arthur Korn, le grand pionnier allemand de la téléphotographie.
"J'ai moi-même érigé une installation dans le but de relier par téléphone sans fil les principaux centres du monde, et depuis cette installation jusqu'à une centaine de personnes pourront converser absolument sans interférence et dans le secret absolu. Cette installation serait simplement connectée avec le central téléphonique de New York, et tout abonné pourra parler à n'importe quel autre abonné téléphonique dans le monde, et tout cela sans aucun changement dans son appareil. Ce plan a été appelé mon "système mondial". C'est par le même moyen que je propose également de transmettre des images et de projeter des images, afin que l'abonné entende non seulement la voix, mais voit la personne à qui il parle. Les images transmises par fil sont un art parfaitement simple pratiqué aujourd'hui par de nombreux inventeurs. mais le mérite principal revient au professeur Korn de Munich."
Quatre ans auparavant, dans son Handbuch der Telephotographie und Teleautographie (1911), Korn avait expliqué que dans son premier appareil de téléautographie (1902), il avait eu recours au courant de Tesla et à son oscillateur.
En décembre 1920, Tesla a publié dans The Electrical Review un intéressant article d'histoire et d'état de l'art sur les développements de la téléphotographie, "Developement in Practice and Art of Telephotography". Il fait référence au Handbuch de Korn et Glatzel et y a bien noté que l'appareil de Korn était alimenté par un transformateur Tesla, ce que lui confirmera l'inventeur allemand en 1931 dans une lettre de compliments :
"J'espère que vous apprécierez que je souligne à nouveau l'utilité des courants de Tesla dans la première étape de la phototélégraphie. Un tube sous vide, aujourd'hui tubes au néon, était rendu luminescent par des courants Tesla envoyés sous forme de rayons à travers une petite fenêtre sur le papier photographique récepteur, et les courants Tesla étaient modulés par les signaux arrivant de la station émettrice. La première photo jamais envoyée sur une ligne télégraphique (Munich-Nurnberg-Munich) à l'aide d'une cellule photoélectrique dans la station émettrice a été reçue de cette manière en 1904. Ce fut le début de la phototélégraphie moderne."
Dans cet article, il rend aussi hommage au bélinographe d'Edouard Belin : il considère que la télévision, transmission instantanée des images visuelles sur une longue distance par fil ou sans fil, "sujet auquel il a dédié vingt-cinq and d'études attentives" constituera l'étape suivante de ces développements.
Articles et déclarations des années 1920-1930
Cet article sur la tépéhotographie nous montre un Tesla plus attentif aux contributions d'autres inventeurs dans le domaine de la téléphotographie.
Alors qu'en 1896, il semblai considérer que le téléautographe d'Elisha Gray avait résolu l'essentiel des problèmes, les travaux de Korn et Belin paraissent lui avoir fait prendre conscience des problèmes de l'analyse de l'image, que ses théories sur la rétine lui avaient éviter d'aborder.
Durant les années 1920-1930, il va, à diverses reprises, faire des déclarations à la presse où il continue à vanter les mérites de son système de transmission d'énergie, mais aussi à prédire l'arrivée prochaine de la transmission à l'échelle mondiale des sons et des images.
En 1922, dans une déclaration au Philadelphia Enquirer, il affirme qu"il est à présent possible de construire des appareils de transmission capable de transporter la voix autour du globe, dans un format aussi petit qu'ils n'occuperaient pas plus d'espace qu'une petit cottage et à un coût qui les rendraient accessibles à un grand nombre d'entreprises et d'individus aisés souhaitant en faire un usage quotidien ou de divertissement. Il considère que, contrairement à une idée répandue, le caractère privé des conversations peut être assuré dans ce qu'il appelle les radiophones. (Le terme radiophone, avait été créé en 1882 par Mercadier pour désigner un dérivé du photophone de Graham Bell, mais, depuis le début des années 10 désignait un téléphone recoutrant aux ondes hertziennes).
Il reprend ces propos dans une courte contribution à la revue Popular Science en mai 1922, qui l'a interrogé sur l'avenir de la télégraphie sans fil. On notera que pour lui, le terme télévision signifie encore la possibilité de voir son interlocuteur au téléphone, partout dans le monde. Il estime que cinq prérequis sont nécessaire et qu'il en a déjà résolu deux.
Les déclarations des années 30 n"apportent pas grand chose de neuf dans la réflexion de Testa sur la vision à distance. Un article dans le New York Times du 10 juillet 1932 nous indique qu'il croit toujours à l'existence de la vie sur d'autres planètes et à la possibilité de communiquer avec les extra-terrestres:
La conviction de l'inventeur, qui dure depuis de nombreuses années, qu'il existe de la vie sur d'autres planètes du système solaire et qu'un jour nous communiquerons avec d'autres planètes, n'a pas faibli. Des moyens de communication seront facilement trouvés, a-t-il dit, et il n'y aura aucune difficulté à établir un échange intelligent d'idées. Il a indiqué que cela pourrait être réalisé grâce à une sorte de télévision qui transmettrait des idées tout comme les images animées racontent leurs histoires à des races de langues diverses.
Il annonce également travailler sur un appareil émetteur de radio, qui permettrait de rendre les transmissions privées, un projet que Marconi n'était pas arrivé à accomplir.
En septembre 1933, Tesla, qui a soixante-dix-sept ans donne un interview au Deseret News, un journal mormon de Salt Lake City. Cet article évoque ses dernières inventions, l'exploitation d'une nouvelle source d'énergie. projet sur lequel il ne donne pas de détails, tout en précisant qu'il ne s'agit pas de l'énerge atomique, qu'il considère impossible d'exploitation et revient sur la "photographie de la pensée". C'est à propos de celle-ci que Tesla évoque les idées qu'il a développées quarante ans auparavant et évoque ce qu'il appelle son "appareil de télévision". Il pense toujours possible de capter les images sur la rétine et de les projeter sur un écran, rendant nos pensées aussi ouvertes qu'un livre.
En 1934, interrogé par OJ. Dunlalp Jr pour le New York Times sur la date de l'arrivée de la télévision, il répond:
"Elle devrait bientôt arriver parmi nous, et un jour elle sera à la hauteur de la diffusion de musique." Puis, d'un mouvement circulaire de son bras, il ajouta : "Il y aura de grandes images jetées sur le mur.".
André Lange
25 décembre 2024
Extrait de C.M. McGOVERN, "The New Wizzard of the West", Pearson's Maagazine, May 1899, pp. 291-297
New York Herald 31 January 1897
Chicago Tribune 30 March 1899
The Monmouth Inquirer, 5 January 1899
La station de Long Island
The World News, 23 July 1904
Photographie d'une maquette : à quoi devait ressembler la Long Isand Tower si le projet avait été mené à bien.
Electrical Experimenter, June 1919
Schéma du système ç quatre circuit de Tesla et du système hertzien
(Electrical Experimenter, June 1919)
Destruction de la Long Island Tower
The Electrical Experimenter, September 1917
The Philadelphia Enquirer, 22 April 1922 (extrait)
Popular Science, May 1922
The Wichita Beacon, 13 August 1922
Deseret News, 22 September 1933
Tesla, génie oublié. Une présentation biographie de Nikola Tesla par Herodoc, la chaîne Histoire.