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Les contributions d'Adriano de Paiva en 1878 et 1880 : l'idée du recours au sélénium et la prescience de la société de l'ubiquité
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Portrait d'Adriano de Paiva dans les Annaes scientificos de l'Academia Polytechnica de Porto, 1907

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Le Professeur portugais Adriano de Paiva est une  figure importante, mais souvent méconnue de l'histoire technique de la télévision (1). Son apport a pourtant été reconnu par les principaux chercheurs de la fin du XIXème siècle, mais par la suite n'a plus été qu'épisodiquement cité par des scientifiques, des professionnels ou des journalistes portugais avant d'être redécouvert par la petite communauté des historiens de la préhistoire de la télévision, en particulier à partir de 1967 lorsque Walter Bruch, inventeur allemand du système PAL, lui rendit un hommage public.

Biographie : un scientifique avec une formation philosophique

   

Adriano de Paiva de Faria Leite Brandão est né à Braga le 22 avril 1847 et est mort en mars 1907 (2). Il a fait ses études à l'Université de Coimbra où il a obtenu le titre de Bachelier par la Faculté de Mathématiques et le titre de Docteur en Philosophie le 5 juiller 1868, avec une thèse intitulée As causas actuaes explicam as differentes epochas geologicas ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


   

 

 

Il est nommé en 1872 professeur à l'Académie Polytechnique de Porto, à la 9ème chaire (Chimie). Il obtient ensuite la chaire de physique, où il suit un programme de caractère général et publie un traité sur les principes fondamentaux de la thermodynamique. Durant l'année 1877-78, il dirige  la chaire de physique théorique et expérimentale, qui réunissait divers cours administrés par l'Académie Polytechnique de Porto. C'est durant cette période qu'il s'intéresse à la téléscopie électrique.(3)

En 1880, il apparaît dans l'Annuario de l'Academia Polytechnica de Porto comme "propriétaire de la chaire de chimie".

En 1881, il est nommé correspondant de l'Académie des Sciences de Lisbonne. Il fut membre associé de l'Institut de Coimbra, membre fondateur de la Sociedade de Instrução de Porto, membre fondateur et perpétuel de la Société des Electriciens de Paris et fut président de la section portugaise de cette Société.

En 1886, le poète Alfredo Alves lui dédie le poème "Indiscrição" de son recueil Folhas d'herbas.  

Le roi D Luis I créa en sa faveur le titre de Conde de Campo Belo et le fit Pair du Royaume.

 

Adriano de Paiva est décédé en 1907 dans son palais de Vila Nova de Gaia. Un hommage qui lui est rendu dans les Annaes scientificos souligne que "Le plaisir de sa conversation, issu d'une vaste culture intellectuelle, d'une façon calme de parler, et combien de fois ! avec une légère et inoffensive note d'ironie, ne sera pas effacé de la mémoire de ceux qui ont eu l'occasion de l'entendre."

La téléscopie électrique

L'intérêt de de Paiva pour la téléscopie électrique commence avec la nouvelle de la première démonstration du téléphone de Graham Bell à Lisbonne, en novembre 1877. De Paiva s'interroge sur les possibilités de trouver un système équivalent à celui de Bell pour la transmission des images animées. La découverte de Bell avait été annoncée dans le journal O Século de Coimbra en décembre 1876 et avait immédiatement suscité beaucoup d'intérêt dans le pays.

    

Pour de Paiva, la véritable appellation du téléphone de Bell aurait du être celle de télégraphe électrique, dans la mesure où c'est la transformation du signal en électricité qui en constitue la véritable originalité. Par analogie, de Paiva s'interroge sur la possibilité de la téléscopie électrique, c'est à dire la possibilité d'une transformation des signaux optiques en signaux électriques qui permettraient, comme pour le téléphone, une transmission par fil permettant de contourner les obstacles physiques. De Paiva reconnaît qu'il n'est pas le seul à envisager une telle possibilité et constate la convergence de ces pensées avec celles, formulées sous le nom de télectroscope par le grand vulgarisateur scientifique français de l'époque Louis Figuier.(4) Le terme télescope était évidemment déjà utilisé pour désigner le télescope optique, connus en Europe depuis le début du 17ème siècle.

L'originalité de la contribution de de Paiva consiste dans sa proposition d'utiliser le sélénium comme plaque sensible de la chambre noire du téléctroscope. Le sélénium avait été découvert en 1817 par J.J. Berzelius. Ses propriétés ont été étudiées depuis 1873 par  Willoughby Smith avec l'aide de L.May. De Paiva se réfère aux travaux menés par les frères Siemens en 1875 et 1876 et à leur proposition d'un oeil électrique artificiel. De Paiva décrit ainsi les propriétés du sélénium : "Interposé dans un circuit électrique, qui passe dans un galvanomètre, il fait dévier l'aiguille d'une manière sensible, toutes les fois qu'un faisceau lumineux vient inciter sur elle, et d'ailleurs cette déviation est différente sous l'influence des radiations différemment colorées".

 

On peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles de Paiva n'a pas mené d'expériences à partir de son expérience et qu'il laisse d'emblée à d'autres le soin de les vérifier. Selon le Professeur Vaz Guedes, il est trop simple de considérer que cela provient du fait que de Paiva ne disposait pas des moyens techniques lui permettant d'expérimenter à partir de ces hypothèses. Comme professeur de Physique à l'Academia Politécnica de Porto, de Paiva avait accès au Cabinet de Physique où il pouvait mener des expériences. Son désintérêt pour l'expérimentation serait à trouver dans sa formation à Coïmbra, plus orientée vers la spéculation théorique caractéristique de la philosophie naturelle, que vers la Physique expérimentale.

    

La conclusion prophétique de la brochure n'est pas la moindre de ses originalités : quelles seront les conséquences pour l'humanité de l'emploi combiné du téléphone et du télectroscope? "Avec ces deux merveilleux instruments (le téléphone et le télectroscope), fixe sur un point, l'homme déployera à toute l'extension du globe les facultés visuelle et auditive. L'ubiquité ne sera plus une utopie, elle sera une réalité parfaite.

   

Alors, partout à la surface de la terre, se croiseront des fils conducteurs, chargés d'une mission de la plus haute importance ; ils seront les conduits mystérieux qui apporteront à l'observateur les impressions subies par les organes artificiels que le génie humain aura réussi à transporter à toutes les distances. Et de même que la complexité des filaments nerveux peut donner l'idée de la perfection supérieure d'un animal, ces filaments métalliques, nerfs d'une autre espèce, attesteront sans doute le degré de civilisation du grand organisme qu'on appelle - l'humanité. -"

    

Il est intéressant de constater que de Paiva identifie déjà l'ubiquité comme le thème philosophique majeur engendré par la perspective de la télévision. Son contemporain et "concurrent" Constantin Senlecq utilisera également le terme, l'année suivante, dans l'introduction de sa brochure Le télectroscope. Quelques mois après J.F.G. Mittag, physiologiste et philosophe de Caroline du Sud, il conçoit le futur appareil de vision à distance, couplé au téléphone, comme deux merveilleuses prothèses sensorielles, un conception peut être héritée du philosophe allemand Kapp et que Marshall McLuhan développera dans les années 1950. C'est exactement ce terme d'ubiquité que l'on retrouvera cinquante plus tard - en 1928 - sous la plume de Paul Valéry, écrivant sur l'imminence de la télévision. Il est également intéressant de voir que le thème de l'ubiquité est devenu un des lieux communs de la cyberculture.

 

Recherches basées sur l'emploi du sélénium

   

Les propositions de de Paiva semblent bien être la première formulation théorique de la possibilité d'utiliser le sélénium pour transmettre les images à distances. Une vague d'expérimentations recourant au sélénium qui va perdurer pendant vingt ans. Selon le Professeur Vaz Guedes, il ne faut cependant pas surestimer l'influence des publications de de Paiva. L'intérêt pour le sélénium a probablement été plus stimulé par la présentation que Graham Bell fit le 17 mai 1878 à Londres de ses expériences avec le sélénium pour la mise au point du photophone.(5)

L'arpenteur de Boston, George R. Carey, paraît avoir commencé à réfléchir à une caméra au sélénium dès janvier 1877, mais ne la décrira qu'en 1880. Le 10 février 1878, le polonais Julian Ochorowicz avait déjà publié un article, en polonais, dans une revue polonaise que personne ne semble avoir connue en Europe occidentale. En novembre 1878, c'est à dire deux mois à peine après la parution de la lettre de de Paiva dans La nature, un chercheur français, Constantin Senlecq proposait une autre forme de télectroscope (6). 

 

Le 7 février 1879, un anglais nommé Denis Redmond décrit dans une lettre à English Mechanic ses expériences pour transmettre des images par le biais de l'électricité (7). Il prétend avoir utilisé un certain nombre de circuits, contenant chacun du sélénium à une extrémité et du platinium à l'autre, et d'avoir réellement transmis des images d'objets lumineux très simples. L'utilisation d'un seul circuit avait échoué en raison de la lenteur du sélénium et du temps nécessaire pour retrouver sa résistivité. Un chercheur italien, C.M. Perosino, fera également des expériences sur les possibilités d'utiliser le sélénium (8) et de Paiva a connaissance de ses travaux, qu'il cite.

   

Une revendication de primauté d'idée

La publication de la brochure La téléscopie électrique basée sur l'emploi du sélénium en 1880, avec traduction en français et en anglais doit être avant tout interprétée comme une revendication par de Paiva de la primauté de l'idée originale qui est à la base de ces travaux. Les premières lignes de l'avant-propos sont très claires à ce sujet :

 

"Cette petite brochure est destinée à informer l'opinion publique, à fin qu'elle puisse se prononcer plus sûrement, et comme juge impartial, sur une question de priorité scientifique.

 

Ce que l'on prétend d'abord par ce moyen, c'est de rendre connu à un plus grand nombre de lecteurs le contenu de deux petits articles, parus, al première fois, dans une revue portugaise se sciences, l"Instituto" de Coimbre, et que l'on fait imprimer aujourd'hui accompagnés de leur traduction française".

A la fin de sa brochure, Adriano de Paiva indique la date du 20 février 1877. Cette date est très certainement abusive. L'article original est portugais "A telefonia, a telegrafia e a telescopia" est paru dans O Instituto - revista científica e literária,   XXV ano, Segunda Serie, Julho de 1877 a Junho de 1878, nº 9, pp. 414-421, Coimbra, Imprensa da Universidade, Março de 1878. Dans cette publication initiale, l'article est daté "20 de fevereiro", mais sans précision sur l'année. Il y a tout lieu de penser qu'il s'agit bien de 1878. L'article utilise le terme telectroscopia, calqué sur le terme telectroscope forgé par l'Abbé Moigno le 28 juin 1877 et popularisé par Louis Figuier.

Si l'on excepte un article élogieux sur le photophone de Graham Bell et Samuel Tainter, paru dans la revue de sciences et de lettres O Pantheon, paru le 29 novembre 1880, il semble que le Professeur de Paiva n'ait plus rien publié sur les applications du sélénium. Peut-être la sophistication de l'appareil des inventeurs de Boston lui a-t-elle fait comprendre que l'état de sa propre réflexion était trop embryonnaire. 

Par ailleurs, nous ne savons rien de l'appréciation que le professeur a pu porter sur l'obtention par son élève et ami Bento de Sousa Carqueja junior d'un brevet français et d'un brevet portugais pour un télescope électrique visiblement inspiré par ses propres propositions. 

Citations et influence de la brochure

Publiée à compte d'auteur, la brochure n'a pas dû être tirée à un grand nombre d'exemplaire. Un très petit nombre d'exemplaires dans le monde sont connus (trois aux Etats-Unis, deux en France et au Portugal, un en Italie). D'après l'inventaire de ses biens, Constantin Senlecq en possédait un.

Il est intéressant de noter que dès 1879 les anglais Glew, Morshead et l'irlandais Redmond reprennent l'expression "electric telescope" qu'avait proposée de Paiva dans ses articles. Avaient-ils été alertés par William Macdonald Smith, cet étudiant londonien, natif de Guilford, qui était l'élève de De Païva, le condisciple de Bento de Sousa Carqueja et le traducteur anglais des textes initiaux du professeur de Porto ? L'expression "electric telescope" avait été utilisée en mai 1877 par deux journaux de l'Indiana faisant allusion au canular de l'electroscope, mais il est peu probable que ces journaux aient été lus à Londres. 

Le physicien Antoine Bréguet, dans un article consacré au photone de Graham Bell (La Revue scientifique, 25 septembre 1880), crédite de Paiva d'avoir été le premier à donner une base scientifique au projet de voir à distance par le bais de l'électricité en recourant aux propriétés du sélénium mais considère que son projet est encore loin d"être réalisable. Il qualifie l'apapreil de Senlecq de "moins ambiteux, puisqu'il n'aurait transmis que des dessins transmis à la main, en quelque sorte, et non, directement, des panoramas naturels".   Il est intéressant de constater que le grand électricien - qui ne peut évidemment fairee référence à l'image cinématgographique - recourt à la comparaison avec les "panoramas naturels" pour signifier l'ambition de de Paiva d'un appareil qui rendrait compte du mouvement de la vie. L'article de Breguet vaujdra à de Paiva et Senlecq une note en bas de page dans la revue Elektrotechnische Zeitschrift. Beihefte v.1(1880) de K. Ed Zetsche, le grand électricien allemand qui fut le Professeur de Paul Nipkow.

Le Comte du Moncel, Membre de l'Institut, a publié une recension de la brochure de de Paiva dans la revue La Lumière électrique, 1er octobre 1880, qui provoqua une lettre de réaction de Senlecq, publiée par la même revue le 1er novembre. Voir également sa citation dans l'article "La téléphotographie" consacré au télectroscope de Senlecq (La lumière électrique, 19 mars 1881). 

Dans sa communication sur le photophone de Graham Bell prononcée devant la Société des ingénieurs civils le 1er décembre 1889, Jules Armengaud traite les propositions d'appareils d'Adriado de Paiva et de Constantin Senlecq de "farfelues" et leur oppose la proposition de Maurice Leblanc recourant aux miroirs oscillants. 

   

Une recension, plutôt sévère, sera publiée dans The Telegraphic Journal, 15 January 1881, reprochant à de Paiva, non sans raison, ne n'avoir rien démontré !

 

La proposition de de Paiva a été connue assez rapidement en Allemagne. Elle st citée dès décembre 1880 dans l'article "Telektroskop un Photophon" de Gernd Sterne dans le magazine populaire Die Gartenlaube. Il est encore évoqué dans l'article '"Der Weltspiegel" du même magazine, en novembre 1881, lorsqu'arrivent les nouvelles des propositions d'Ayrton et de Bidwell. En 1884, lorsque l'inventeur allemand Paul Nipkow dépose une demande de brevet pour un télescope électrique, il adopte la terminologie proposée par de Paiva. L'année suivante, il fait d'ailleurs référence au professeur portugais dans son article "Der Telephotograph  und das elektrische Teleskop"Elektrotechnische Zeitschrift, 6, 1885.


Le nom de de Paiva est cité, mais sans que lui soit reconnue la priorité de l'idée, dans l'article  de C. Colin sur "Le télephote" du Magasin pittoresque de 1889, à l'article "télé-photographie" du Dictionnaire universel du XIXème siècle (1890) de Pierre Larousse ou encore dans un article de la Revue générale des sciences, en 1890 (9). Il n'est pas cité dans l'article "Télescopie" de ce dictionnaire, mais le concept de "télescopie électrique" qu'il a forgé est toujours-là, bien qu'il commence à être concurrencé par "vision à distance", avant que la notion de "télévision", apparue en 1900,  ne l'emporte au début du 20ème siècle. 

De Paiva est également cité par Raphael Eduard Liesegang dans son ouvrage Beiträge zum Problemen des elektrischen Fernsehens, Ed. Liesegang's Verlag, Düsseldorf, 1881, p. 90.

   

Au Portugal même, comme l'a montré le Prof. Vaz Guedes  les travaux publiés en 1880-1881 par d'autres chercheurs portugais (F. da Fonseca Benevides, Virgílio Machado) sur les applications du sélénium ne citent pas la contribution de de Paiva. La demande de brevet déposée à Paris le 30 décembre 1880 par son élève de l'Academia Polytechnica, Bento de Sousa Carqueja Junior ne mentionné pas le nom du maître, qui, de toute évidence a inspiré l'apapreil supposé transmettre la lumière en recourant aux propriétés du sélénium et qui était remercié dans la préface de la brochure.. Cet appareil, comme celui de Senlecq, n'ambitionnait pas de transmettre le mouvement, l'image de l'objet capté étant retranscrite par un crayon. Il faudra attendre la publication en 1907 d'un article du Prof. A Sousa Pinto pour que soit établie la reconnaissance de la priorité d'idée d'Adriano de Paiva.(10) Cet article - de même que l'hommage post-mortem publié dans les Annaes scientificos - établi une comparaison de le proposition de de Paiva avec la transmission de photographies que vient de démontrer Arthur Korn, ce qui est une forme de réduction de l'ambition de de Paiva qui, de toute évidence, envisageait la transmission d'images animées rendant compte du mouvement.

En publiant sa brochure, d'une certaine manière, de Paiva fait déjà acte d'historien : avec ses annexes, et en particulier la reproduction d'articles de presse, elle nous fournit le premier dossier permettant de reconstituer la chronologie des balbutiements de la recherche sur la télévision. En reproduisant l'intégralité de cette "petite brochure", nous pensons rendre accessible à une opinion publique bien élargie, cette contribution bien oubliée.

   

Dans la littérature internationale, la contribution de De Paiva est citée régulièrement jusque dans les années 20, notamment par Arthur Korn et Bruno Glatzel dans leur Handbuch der Phototelegraphie und Telautographie (1911) et l'ouvrage du hongrois Dionys von Mihály, Das elektrische Fernsehen und das Telehor, Von M. Krayn, Berlin, 1922. Mihály propose même un schéma de la cellule au sélénium de De Paiva, tout en soulignant sa naïveté et l'évidence de l'absence d'expérimentation avec le sélénium.

 

Le sélénium restera au centre des expérimentations de la plupart des chercheurs travaillant sur la mise au point de la télévision et Baird l'utilisera dans ses premières démonstrations de télévision mécanique (1924-1926), mais l'a abandonné pour recourir à cellule colloïdale (fluide) de sa propre invention.. En 1926, Louis Lumière évoquera également la possibilité de recourir au sélénium pour trouver une solution au problème du son au cinéma.

 

Au début du 20ème siècle les travaux de Korn et de Bidwell sur la télé-photographie mettront en évidence les faibles capacités du sélénium pour permettre la transmission d'images animées. L'hypothèse de recourir au sélénium s'estompe progressivement à partir de 1911, date à laquelle le russe Boris Rosing utilise un tube de verre comprenant de l'hydrogène raréfié ou hélium, du sodium, du potassium, du cesium ou un amalgame appelé rubidium. Rosing ouvrit ainsi la voie aux travaux de son élève Zworykin.(11). 

Une reconnaissance après la Seconde Guerre mondiale

La mémoire de Adriano de Paiva a été entretenue de manière régulière au Portugal (12). 

 

La redécouverte internationale de l'apport de de Paiva commence avec une déclaration de l'inventeur allemand du système PAL, Walter Bruch, lors d'une conférence à l'Université de Lisbonne en 1967.(13) . Elle sera par la suite régulièrement citée dans les ouvrages classiques d'histoire de la télévision.(14) La publication de sa brochure sur la première édition de ce site, en novembre 1999 contribue à le faire découvrir au grand public international et à être cité dans Wikipedia. Il arrive à présent, juste retour des choses, qu'Adriano de Paiva soit cité dans un essai philosophique (15).

André Lange

Novembre 1999 / Révision 18 décembre 2017 / 22 juin 2020 : 12 avril 2023 / 18 août 2024

Professeurs de l'Academia Politécnica do Porto en 1880/81. Adriano de Paiva, est le deuxième à droite au deuxième rang (Archives de la FCUP)

(1) Les publications d'Adriano de Paiva sur la télescopie électrique sont les suivantes :

                          

 

  • "A telefonia, a telegrafia e a telescopia" in O Instituto - revista científica e literária,   XXV ano, Segunda Serie, Julho de 1877 a Junho de 1878, nº 9, pp. 414-421, Coimbra, Imprensa da Universidade, Março de 1878.

  • Une reproduction de cet article dans O Commércio Portuguez, Porto, 27 avril 1878, dans la section "Folhetim" (feuilleton).

  • Une lettre, datée du 12 août 1879, dans la rubrique "Boîte aux lettres" de La nature, Paris, 23 août 1879.

  • Une notice dans le Commercio do Porto, 7 octobre 1879. Cette note fait suite à la publication dans le même journal  le 4 octobre 1879, d'un article sur le télectroscope basé sur l'emploi du sélénium, qui faisait écho aux propositions de Constantin Senlecq, en se basant sur des informations de journaux étrangers, et sans  citer l'apport de de Paiva ni même le nom de Senlecq. Dans cette notice, de Paiva revendique la primauté de son idée.

  • "A telescopia electrica", in O Instituto. Revista scientifica e litteraria, Volume XXVII - Outubro de 1879. Cet article retranscrit la lettre adressée à La nature, ainsi que la réponse publiée par la revue française à cette lettre "L'idée que vous développez dans votre lettre est originale et hardie. La solution que vous rêvez serait brillante, mais nous ne croyons pas qu'il existe de livres pour vous guider. L'innovateur se guide lui-même"

  • La brochure La téléscopie électrique basée sur l'emploi du sélénium , édition à compte d'auteur dans la typographie de Antonio José Da Silva, Porto, 1880, 48 pages.  Cette brochure reprend, en portugais et en français, la retranscription des articles "A telefonia, a telegrafia e a telescopia" et "A telescopia electrica", des extraits de divers journaux et recueils scientifiques sur le télectroscope et le téléphotographe et une traduction en anglais de l'article "A telefonia, a telegrafia e a telescopia", réalisée par un étudiant anglais de l'Académie de Porto, William Macdonald Smith.  (Table des matières)

  • "O Som transmittido por la Luz", O Pantheon, n°2, (29 de Novembre) 1880.

 

La  brochure  de de Paiva, très rare, est reproduite intégralement sur ce site (voir ici la version jpeg intégrale). Nous en avons retrouvé un chez l'"alfarrabiste" (bouquiniste) Chaminé da Mota, Rua das Flores, à Porto, en juillet 1999. Nous avons pu constater que l'existence de cette brochure était inconnue de la plupart des alfarabistes de Lisbonne et de Porto que nous avons interrogé. La brochure est accessible à la Biblioteca Nacional de Lisbonne (qui l'a reproduite sur son site) ainsi qu'à la bibliothèque du Departamento de Fisica,  Faculdade de Ciências da Universidade de Porto et à la B.N.F. 

 

Un alfarrabiste californien, Jeremy Norman & Co,  propose à la vente, pour 7500 $, un exemplaire avec dédicace "Hommage de l’auteur” ayant appartenu à la Franklin Institute Memorial Library (Philadelphie). De Comme en témoigne une bibliogrfaphie établie par le Franklin Institute, de Paiva avait adressé un exemplaire au Frankin Institute, qui était à l'époque une des principales institutions scientifiques aux Etats-Unis. Il est assez étonnant que la Memorial Library n'ait oas jugé utile de conserver dans ses collections cette brochure, contemporaine du photophone de Graham Bell. 

(2) Notice généalogique sur le site GENI, consultée le 17 décembre 2017.

 

(3) On notera que de la brochure La téléscopie électrique introduit deux confusions sur la datation. La reproduction de l'article "A telefonia, a telegrafia e a telescopia" et sa traduction en fançais mentionnent,  bien la date de publication originale dans O Instituto de mars 1878, mais en fin d'article apparaît la date du 20 février 1877. Il s'agit visiblement d'une erreur, puisque l'article s'ouvre par une évocation de la présentation du téléphone de Bell à la Cour de D. Luis qui date, comme le note l'auteur lui-même, de décembre 1877. Du reste la traduction anglaise de W.M. Smith porte bien la mention du 20 février 1878. Par ailleurs, l'article "A telescopia electrica" s'ouvre par une référence à la publication du premier par O Instituto en date du 20 février 1878. De Paiva a probablement confondu la date de finition de l'article avec celle de la parution de la revue.

(4) FIGUIER, L., L'année scientifique et industrielle, 21ème année (1877), Paris, 1878, page 80. Figuier est un vulgarisateur plus qu'un inventeur. C'est une figure bien connue pour les historiens des sciences et de la littérature de la seconde moitié du 19ème siècle. Jules Verne, Robida, Emile Zola,... comptent parmi ses lecteurs. Il ne semble pas avoir maintenu son intérêt initial pour le télectroscope. Dans l'important chapitre sur le développement des télécommunications dans son "Supplément", Vol.1 à Les merveilles de la science. Descriptions des inventions scientifiques depuis 1870, Librairie Furne, Paris, s.d. (vers 1886) on ne trouve aucune mention du telectroscope ou de la téléscopie électrique. 

(5) Voir BIDWELL, S., "Selenium and its applications to the Photophone and Telephotography", Royal Institutions, March 11, 1811. Publié in The Royal Institution Library of Science, Physical Sciences vol.3, Applied Publishers Ltd, London, 1970.


(6) "The telectroscope", English Mechanic, 28, 31 January 1879. Voir également l'article "Télectroscopedans Les Mondes, 16 janvier 1879 et la citation de cet article dans la revue anglaise Nature, 23 January 1879. Les deux articles sont reproduits dans la brochure de de Paiva, pp.29-30

 

(7) REDMOND, D.D., "An Electric Telescope", English Mechanic, 28, 7 February 1879.

(8) PEROSINO, C.M., "Su d'un telefotografo ad un solo filo", Atti della R. Acad. delle Science di Torino, 14, March 1879. Le texte est reproduit, en italien, dans la brochure de de Paiva, La téléscopie électrique,... pp.32 et suiv.

(9) MATHIAS, E., "La transmission des images par l'électricité"Revue générale des sciences, t. I, n°24, pp.798-800, Paris, 1890.

(10) SOUSA PINTO, A., "A Visão à Distância e a Transmissão Rapida da Fotografia", Anais Cientificos da Academia Politécnica do Porto, v.II, p. 166-173, 1907.

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BREGUET A., "Le photophone de Bell", La Revue scientifique, 25 septembre 1880, 

(11) Voir ABRAMSON, op.cit., p.36. Le premier article important de Zworykin est ZWORYKIN, A., "The Iconoscope - a modern version of the electric eye", Proc. IRE, vol.22, n°1, pp.16-23, January 1934 (reproduit dans Proc. IEEE, vol.85, n.8, pp.1327-1333, 1997).

 

(12) Voici un relevé (probablement un exhaustif) des articles portugais consacrés à de Paiva ou des ouvrages qui le citent ;

(13) Voir Diário de Manhá, 6 Junho de 1967

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La strophe LXXIV du neuvième chant des Luisiades de Luis Camoes dans une version autographe d'Adriano de Paiva, Conde Campo Bello, in Os Lusíadas / Luiz Vaz de Camões. - Lisbonne : Companhia Nacional Editora, 1898

Je tiens à remercier ici le Professeur  M. Vaz Guedes de l'Université de Porto. Non seulement il m'a fourni beaucoup des éléments d'information sur Adriano de Paiva qui figurent dans cet article mais il a été le premier, en novembre 1999, à m'inciter à systématiser la collecte des documents originaux sur les débuts de la télévision et ses encouragements sont à l'origine de ce site. Il est lui même l'auteur de divers articles sur de Paiva (voir note 11 ci-dessus).

(14) 

  • SHIERS, G., "Historical Notes on Television before 1900", Journal of the Society of Motion Picture and Television Engineers, 86, March 1977.

  • GOEBEL, G., "From the history of Television - The First Fifty Years", Bosch Technische Berichte 6, n°5-6, 25 May 1979.

  • GOEBEL, G., "Adriano de Paiva und das Fernsehen" in Archiv für das Post- und Fernmeldewesen, 39, 1987, 4, S. 384-392.

  • Albert Abramson dans son History of Television, 1880-1941, McFarland, Jefferson, 1985,  p.274 indique qu'il n'a pu accéder aux textes de de Paiva et se réfère aux deux sources précédentes. Ceci est assez remarquable dans la mesure où Abramson est un des rares historiens de la télévision à avoir consulté les documents originaux, brevets, etc.

  • De Paiva apparaît en tête du tableau 1.1. "Dates (and names of inventors) of some distant vision proposals for the period 1878-1924", de BURNS, R.W., Television. An international history of the formative years, IEE, London, 1998, p.4. 

  • Il est également cité dans URVALOV, V.A., Essays on the history of television, Ed. and furn. with preface by I.A. Rosselevitch, Nauka, Moscow, 1990. (en russe - in Russian).

  • ZIELINSKI, S. Audiovisions: Cinema and Television as Entr'actes in History Amsterdam University Press, 1999

  • SCHUBIN, M., "Breaking the Pictures Barrier: Why Television Research Began in 1877 (and why no one knows it)", Schubin Cafe, 24 January 2017.

(15) GARCIA, T., La vie intense Une obsession moderne, Editions Autrement, Paris, 2016.

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Notice sur l'étudiant William Macdonald Smith, qui a traduit en anglais les textes de de Paiva.. Annuario 1880, Academia Polytechnica do Porto, 1880

Autres publications d'Adriado de Paiva

  •  Theses ex Naturali Philosophia / Hadrianus de Paiva de Faria Leite Brandão. Conimbricae : Typis Academicis, 1868.

  • Geologia. Apreciação do sistema das causas actuaes, Coïmbra, 1868

  • Exposição dos principios fundamentaes da Thermodynamica, Imprensa da Universidade  Coïmbra, 1872

 Schéma de la cellule au sélénium de de Paiva proposé par  Mihály (1922)

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Mermoria historica de la Faculdade de Philosophia, Coimbra, 1872. 

Portrait d'Adriano de Paiva (Faculdade de Ciencias da Universidade de Porto 

Photo aimablement communiquée par le Professeur Manuel Vaz Guedes)

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Notice "Adriano de Paiva de Faria Leite Brandão" in Annuario da Academia Polytechnica da Porto, Anno Lectivo de 1877-1878, Porto, 1878, p.34

Laboratoires de chimie de l'Academia Politécnica do Porto en 1880 Le premier, dans l'aile orientale, n'existe plus. Le second, dans l'aile sud-ouest, existe toujours. (Archives de la FCUP)

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